Un petit roman fin, que je me suis pris chez Decitre quand je suis allée à la dédicace de Joel Dicker le premier week-end de juin. J'avais lu et adoré "La tresse" et "Les victorieuses", j'avais donc vraiment hâte de lire ce dernier de Laetitia Colombani, adapté en poche récemment. Les histoires de l'autrice sont toujours très sociales, engagées, émouvantes. Traduits dans le monde entier, ses romans vendus à plus de deux millions d'exemplaires sont en cours d'adaptation pour le cinéma. Ce n'est pas rien, et je suis curieuse de voir ce que cela pourrait donner à l'écran. Tout comme "La tresse", dont l'une des histoires sur les trois des destins de femmes dont parlait le roman, se déroulait en Inde, "Le cerf-volant", se passe entièrement là-bas. J'ai toujours du mal à sauter le pas avant de lire des romans dont l'histoire se déroule en Inde. Trop de misères, de trafics, d'inégalités sociales et de conditions de vie horribles, encore en 2022. Je sais que ça va me retourner le cerveau et me rendre malade. Raison pour laquelle à part celui-ci et "La tresse", j'ai seulement lu un ou deux autres romans se déroulant là-bas, à l'époque où je ne tenais plus mon blog.
Je me suis tout de même lancée, et j'ai bien fait. Comme prévu ce ne fut pas simple, mais je ne regrette pas. On suit Léna qui s'envole pour un petit village indien, Mahabalipuram dans le district de Kanchipuram, au nord de Pondichéry, dans le sud est de l'Inde. Elle s'éveille dans sa cahute à côté de l'école avec des températures avoisinant les 40 degrés au plus fort de la journée. On est en juillet et la rentrée scolaire va débuter. Mais comment est-elle arrivée là-bas? On a alors droit à un flash-back afin de nous situer. Léna a vingt ans de carrière d'enseignement derrière elle. Elle a donc probablement un peu plus de 40 ans. On sait qu'elle a connu un drame en France avec son compagnon, mais on en sait pour l'instant pas plus. On sait par contre qu'elle a souhaité s'envoler à l'autre bout du monde, endroit où son compagnon et elle souhaitaient visiter. Mais ils n'ont pas pu réaliser ce souhait avant la tragédie. Elle s'est donc dit, pourquoi pas? Elle va résider plusieurs semaines sur cette côté où les couchers de soleil sont réputés magnifiques. Elle ne sort pas beaucoup de l'hôtel, ne souhaitant pas se mêler aux autres, et préférant le calme de sa propre compagnie. Un jour elle voit courir sur la plage une jolie petite fille avec son cerf-volant. Elle semble beaucoup s'amuser. La jeune femme va mettre plusieurs jours pour aller à sa rencontre. La petite fille ne parle pas mais est réceptive à cette femme blanche débarquée de nulle part. Léna va lui apprendre des mots en anglais, que la petite fille va rapidement mémoriser.
Pourtant celle-ci ne sait pas lire ni écrire. Léna va réaliser qu'elle travaille pour un restaurant, à à peine 10 ans. Elle réalise le lot de millions d'enfants en Inde, celui d'aider à la maison et de travailler sans accès à l'éducation. Surtout pour les filles l'éducation n'est pas du tout la priorité. Elle se heurte alors aux us et coutumes du pays, bien éloignés de ceux des pays occidentaux où il est impensable que des enfants ne se rendent pas à l'école. A chaque fois ce genre de scène est un rappel que dans certains endroits du monde les enfants sont considérés comme de la main d'oeuvre peu chère. Elle va s'arranger avec les patrons en contrepartie d'argent et de nourriture afin d'éduquer Lalita. Elle fait ensuite la rencontre d'un groupe de jeunes femmes, la Red Brigade, chargée de la sécurité des petites filles et des femmes des environs, apprenant à se battre en cas d'attaque de la part des hommes, monnaie courante dans le pays. Elle y fait la connaissance de Preeti, la cheffe âgée de vingt ans, qui est partie de chez elle lorsque sa famille a tenté la marier de force. Désormais elle entraîne des dizaines d'autres femmes, sous l'impulsion d'une autre jeune femme ayant créé cette Red Brigade, vue comme un symbole dans tout le pays. Grâce à elle des dizaines de Red Brigade ont vu le jour afin de se défendre et se battre contre l'oppression qu'elles subissent face aux hommes. Difficile au premier abord d'aborder la jeune femme très méfiante, mais cela va se faire petit à petit.
Notre institutrice va apprendre l'anglais à la jeune femme en échange de chai, le fameux thé indien. Léna va souhaiter faire plus devant la dure réalité qui s'impose à elle. Celle de l'extrême difficulté de s'éduquer dans ce pays régi par les castes et les coutumes ancestrales de mariages forcés, de suprématie de l'homme, et j'en passe. Elle souhaite ouvrir une école, afin d'aider les enfants de cette région à avoir accès à l'éducation. Car sans éducation, aucun moyen de s'élever à un style de vie meilleur. Elle se donne corps et âme à ce projet, aidée de Preeti. Elle tente par la suite de faire entendre raison aux parents du quartier de laisser leurs enfants aller à l'école chaque jour. Elle use d'arguments de poids, en promettant un repas par jour à leur enfant, et de l'argent pour la famille. Certains acceptent, tandis que d'autres refusent de perdre de la main d'œuvre. Commence alors une nouvelle vie pour Léna ainsi que pour tous ces enfants. Jamais à l'abri de retournements de situation, comme des élèves séchant les cours pour des raisons plus ou moins compréhensibles, ou des mariages forcés, Léna tente de se faire à ce nouveau pays et de se battre contre celui-ci qui asservit les petites filles.
Avis: Un roman bouleversant, beau, dans lequel on en apprend plus sur la condition des castes indiennes les plus basses comme les Intouchables. Pour celles et ceux qui ignoreraient encore trop peu la situation de millions d'indiens, ce livre est un petit aperçu du genre de situations ayant lieu quotidiennement encore en 2022 dans certaines régions du monde. Un roman d'espoir mais aussi de combats permanents.
"Le cerf-volant" de Laetitia Colombani, 7.40€
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