Un livre un peu différent dans cet article, puisqu'au moment où je l'écris, je vais rencontrer l'autrice de ce roman dans quelques jours à la librairie où je travaille. Super nouvelle donc, j'ai hâte. Il s'agira d'une double rencontre, avec une autre jeune femme dont je lis le livre en ce moment, dont je vous parlerai bientôt par ici. Tous deux sont deux premiers romans, plutôt bien cool donc. Comme j'ai su que les autrices viendraient, j'avais donc très envie de lire un peu leurs romans pour pouvoir potentiellement leur poser des questions pertinentes. La couverture était en plus jolie, une ancienne collègue avant que j'arrive avait laissé un très bon avis sur ce roman, d'autant plus de raisons de le lire. Le titre était assez évocateur, même si sans trop savoir de quoi parlait le roman, on pouvait avoir une idée.
En effet, Juliette Oury, imagine un monde, dystopique selon moi, dans lequel les places de la nourriture et du sexe sont inversées. Je m'explique. Tout le monde fait l'amour comme on mange, et les repas deviennent tabous. Assez étrange au premier abord, même tout au long du roman, mais j'ai trouvé l'idée très originale. Elle a poussé l'idée jusqu'au bout avec par exemple "la brigade des mets", plutôt que "la brigade des moeurs", les mariés qui une fois passé la sortie de l'église ne s'embrassent pas mais se donnent du sucre l'un à l'autre, comme la nourriture devient aussi intime que le sexe l'est dans notre société, ou pas d'ailleurs.
Forcément, pas mal de scènes étaient assez explicites et assez inconfortables pour moi, mais elle a eu l'audace de tirer l'idée jusqu'au bout. On suit donc Laetitia, en couple avec Bertrand depuis des années habitant Paris. Notre héroïne travaille pour une marque moyenne d'ameublement. Tous les deux font l'amour chaque matin à 7h, comme on prendrait le petit déjeuner. Au début cette scène ne choque pas, puis la façon dont c'est expliqué, que Bertrand prend les devants à chaque fois, comme recommandé par le gouvernement, je me suis aperçue que l'idée des deux sujets étaient effectivement inversés dès le début. Laetitia n'est pas emballée par ce rituel matinal, mais n'ose dire non à Bertrand. Ils se nourrissent de barres sustentives, sans goût, les vrais repas n'étant rarement organisés, étant beaucoup trop intimes, même au sein de leur propre couple. On se rend alors compte que si même leurs ébats sont pauvres en saveur, comme s'ils se nourrissaient sans saveur et qu'ils n'organisent jamais de repas entre eux, représentant donc un acte très intime comme le sexe, leur couple n'est pas au top. Laetitia n'est pas heureuse, se plie à ces séances régulières de sexe avec ses collègues, et même avec un couple d'amis accompagné de son mari. Comme on couche on dîne.
Un jour Laetitia tombe sur un cours de cuisine à réserver, étant alors considéré comme un délit, tout comme s'il s'agissait d'une maison close. Elle attend impatiemment la réponse de cheffe Jenni, voulant à tout prix se sustenter correctement, ou plutôt prendre du vrai plaisir. En effet, au moment de l'envoi de son message, elle a fait l'affront d'acheter des pommes. Leur dégustation représente pour elle le pêché, le paroxysme du plaisir. J'ai noté quelques phrases qui caractérisent bien cette inversion de nourriture et sexe. Lorsqu'elle rejoint le cours pour la première fois, très stressée elle dit "cuisiner avec cheffe Jenni avant d'avoir couché, c'était le monde à l'envers". Quand elle part du cours et réalise qu'elle embaume la nourriture et que tout le monde va s'en rendre compte, elle dit "elle puait la bouffe". Lorsque le taxi la prend pour la ramener chez elle il lui fait la leçon, discours qu'on entend souvent concernant le sexe du style, que les femmes font les saintes nitouches. Ici c'est exactement pareil "vous faites la sainte nitouche dès qu'on vous parle de bouffe", comme certains pourraient dire concernant le sexe. Le parti pris d'avoir inversé les deux est plutôt malin je trouve, car ça nous amène à réfléchir à pas mal de soucis concernant notre société.
Dans ce cours de cuisine, Laetitia dit "on était là pour bafrer " au lieu de vous savez quoi. Ces cours représentant l'apothéose du tabou et de l'interdit. Un jour, un homme la suit et l'oblige à manger, "je me suis fait gaver" dit elle à Bertrand au lieu de "je me suis fait violer". Bref pleins d'éléments comme ça qui tout au long du roman renforcent cette dimension singulière qu'a voulu donner l'autrice
J'avoue avoir été assez mal à l'aise durant la lecture de ce roman bien que l'idée soit culotté, originale et bien trouvée. Les éléments ont été bien trouvés, l'histoire est intéressante.
"Dès que sa bouche fut pleine" de Juliette Oury, 19€
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