J'ai lu ce court livre de 170 pages récemment, au début en pause repas, qui contrairement à "Je serai toi", j'ai pu bien le commencer à cette occasion, et comme l'autre roman, je l'ai ramené chez moi pour le finir. On l'a eu en service presse, et j'avoue que le titre m'a interpellée. Une grosse référence à l'Egypte antique, et go il m'a eue. Juliette Cuisinier-Raynal l'autrice, nous partage dans ce joli livre, son quotidien. Thanatopractrice de métier, elle nous livre son quotidien, ainsi que des anecdotes de ce métier si peu connu. Ayant personnellement du mal avec la mort, je ne pensais pas lire ce genre de livre, et en fait j'ai appris pas mal de choses et ai beaucoup aimé ma lecture. Etant passé par plusieurs métiers, après avoir créé des bijoux, notre autrice nous raconte comment, après avoir vécu deux morts proches d'elle, sa grand-tante et sa mère, elle a envisagé la mort comme belle. Attirée depuis toujours par la civilisation égyptienne, où ils embaumaient leurs morts, adorant l'aventure, et son coup de cœur enfant étant Indiana Jones, l'autrice nous raconte comment après sa grossesse à risque lors de sa quarantaine l'a fait envisager cette voie. Le roman est divisé en quatre chapitres aux noms des quatre saisons.
On la suit sur une année entière, automne, hiver, printemps, été, avec tout un tas de morts dont elle doit s'occuper. Le texte est beau, c'est raconté joliment, ce genre de métier aurait pu vite être décrit de façon peu ragoutante, mais ça n'a pas été le cas. En s'occupant de préparer les morts pour leurs funérailles, elle souhaite leur rendre une âme et une beauté, qu'ils retrouvent de leur humanité. Car un mort n'est pas seulement un mort, il a vécu. Comme elle le dit "nous sommes tous des futurs morts encore en vie". Des jeunes, des moins jeunes, des abimés, des suicidés, des morts de vieillesse, de tristesse, de maladie. Des grands, des amputés, des minces, des obèses, elle nous livre les détails de sa rencontre avec ses patients qui heureusement ne l'encombrent pas. "Mes défunts restent là où je les laisse. Ils ne m'encombrent pas l'esprit, ne hantent pas mes nuits". Les morts ne sont pas si silencieux, car toutes les étapes de la préparation ne sont pas silencieuses. La mort n'est pas sans odeur, mais "les morts pour la plupart, puent moins que les vivants à l'heure de pointe dans le métro". Pourtant, bien sûr, certains sont odorants. "Toulouse-Lautrec avait dit cela de son art: finalement la peinture ou la thanatopraxie c'est comme la merde, ça ne s'explique pas, ça se sent".
Elle explique comment retirer le sang du corps, injecter du formol, nettoyer le corps, l'habiller, le maquiller. "un thanatopracteur n'est pas un magicien, mais un simple illusionniste", comme lorsqu'elle doit déchirer une chemise impossible à mettre sur un corps trop lourd et trop rigidifié. Il ne fait pas de magie, il fait comme il peut avec les instruments qu'il possède.
Certaines personnes n'ont pas de famille, ou ne sont plus en contact avec. Certains n'ont pas de vêtement pour l'occasion, elle doit alors se débrouiller pour leur trouver quelque chose pour qu'ils conservent un minimum de dignité. "Paulette n'est plus une indigente. Elle est mon Thanksgiving à moi", ou bien un homme duquel elle s'est aussi occupée pour lequel elle a fait de son mieux avec le peu qu'elle avait à sa disposition " Georges brille maintenant comme une étoile, une star sur Hollywood Boulevard". La difficulté de son métier résidant en le fait de rendre forme humaine à un corps sans vie, pour que ses proches puissent le voir, qu'il ressemble à ce qu'il était lorsqu'il était en vie.
La plupart du temps elle réalise ce soin dans une pièce spéciale à 16°. Elle enfile alors à chaque fois son équipement, le corps duquel elle doit s'occuper, allongé sur une table. Elle fait de son mieux pour le laver, lui rendre allure sans accès à l'eau pour qu'elle puisse s'évacuer. Certaines situations sont totalement aberrantes et pourtant... Ces compagnons de travail sont silencieux et froids mais "pas autant que les adolescents au réveil quand on leur demande s'ils ont passé une bonne nuit".
D'autres fois, elle doit se rendre en EHPAD, ou même chez le défunt pour prodiguer le soin. Normalement, si les conditions ne sont pas réunies pour réaliser convenablement son travail, elle est en droit de refuser, chose qu'elle ne fait pas. Elle s'accommode des circonstances, qui rendent l'exercice parfois périlleux comme celui de soulever un corps de 200kgs, ou lorsque chez le défunt, les animaux veulent entrer dans la pièce. Elle parle à de rares occasions de ces collègues qu'elle croise, travaillant seule, comme l'un d'entre eux qui "se targue d'avoir plus de 20 000 défunts à son palmarès". Sa mission d'embaumeuse comme elle l'appelle, est solitaire, prenante, enchainant parfois jusqu'à cinq défunts dans la même journée, devant régulièrement faire plus de cent kilomètres. Elle comporte ses aléas, la pompe qui ne fonctionne pas, le visage était gris, et difficile à redonner de la couleur qui soit naturelle, le corps lourd... Pourtant chaque jour, elle continue son travail, avec toujours le même objectif en tête, entourée de tout un tas de défunts différents.
J'ai beaucoup aimé cette lecture très intéressante sur un métier encore méconnu et pourtant crucial. Elle parle aussi des dérives de celui-ci avec les agences de pompes funèbres n'hésitant pas à sur facturer des prestations parfois inutiles. Un business de la mort.
"L'embaumeuse" de Juliette Cuisinier-Raynal, 18.50€
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