Ce petit livre aurait dû finir au retour fournisseur, mais je l'ai sauvé. Je l'avais déjà vu dans le rayon il y a de cela plusieurs semaines, et le titre "Hiver à Sokcho" m'avait interpellée, Sokcho étant une ville de la côte est coréenne dans laquelle je suis allée en automne de mon année en Corée. J'étais donc assez surprise du titre, d'autant que ce livre se trouve en littérature française. Tout fin, j'ai donc décidé de l'emprunter avant de le renvoyer. L'autrice, Elisa Shua Dusapin est franco-coréenne, tout comme la protagoniste de ce premier roman. Cette jeune femme, qui n'a pas de nom, vit et travaille dans la ville portuaire de Sokcho, très prisée des touristes et coréens l'été, mais plutôt morte l'hiver. Elle est cuisinière et aide au sein d'une pension modeste. Sa mère habite aussi la ville, poissonnière de métier.
Notre héroïne s'y connait donc aussi bien en poissons pour réaliser de bons mets. Proche de sa mère, elles se voient souvent toutes les deux, mais elle a souhaité son indépendance, en s'installant sur son lieu de travail, au sein de la pension. Il faut savoir que dans les familles coréennes, les enfants vivent longtemps avec leur famille, généralement jusqu'à ce qu'ils se marient. La majorité ne vit jamais seule... Dans le passé, sa mère a rencontré un français, la jeune fille, fruit de cette union. Cependant il n'est jamais resté, et mis à part qu'il est français, elle ne sait rien de lui. Elle a suivi des études à l'université à Séoul de coréen et de français, elle parle donc bien les deux langues, bien qu'elle n'utilise quasiment jamais la langue de Molière.
Un jour, surgit un homme. Kerrand, un breton, venu jusqu'à Sokcho en plein hiver. Notre héroïne est surprise de voir un français perdu dans ce trou, dans lequel il ne se passe rien l'hiver. Cet homme voyage seul, porte toujours les mêmes affaires, et la jeune fille se demande vraiment ce qu'il fiche ici. De son côté, elle continue de servir les repas à la pension, de s'occuper du confort des hôtes. Elle se balade régulièrement le long de la plage, prépare à manger avec sa mère, et passe un peu de temps avec ce nouvel arrivé. Il reste plusieurs semaines, tous deux se croisent parfois et la discussion se fait en anglais. La jeune fille sort avec un homme, coréen, mais celui-ci est plus focalisé sur sa carrière de mannequin à Séoul et sur sa vie sexuelle que sur le vrai bonheur de son couple avec la jeune fille.
Les jours passent, le froid s'installe, sa relation avec son "copain" s'étiole, tandis que sa mère est déterminée à marier sa fille vite. L'étranger sort, ou bien reste cloîtré dans sa chambre, ne touchant que rarement la nourriture préparée par notre cuisinière. Ils vont tout de même aller vers la frontière nord-coréenne, la Corée du nord étant en effet située à 60kms de Sokcho, un poste d'observation existant le long de la frontière la plus militarisée du monde. Kerrand souhaite en effet en savoir plus sur le conflit et voir de ses propres yeux cet ennemi si effrayant. La jeune fille l'accompagne, n'étant jamais allée dans cet endroit, bien que vivant depuis toujours à Sokcho.
Ils vont aussi aller faire une balade dans la montagne, la jeune fille montrant un peu des richesses de sa ville natale à ce français qu'elle aime bien. Elle apprend qu'il est dessinateur, et publie régulièrement des albums se déroulant dans le monde entier. Elle l'entend le soir gratter sur le papier avec son encre et sa plume. Cet acte, anodin d'apparence, fait tomber la jeune fille sous son charme, alors que les températures de -25 degrés s'installent. Lors de son ménage quotidien, elle entraperçoit parfois quelques griffonnages de femmes.
Il est souvent question de son métissage, chose encore peu courante en Corée, les enfants issus de couples mixtes étant de plus en plus nombreux, mais pas tant que ça, et pas si bien acceptés. Plusieurs situations avec des habitants la rendent triste, notamment quand elle se balade avec Kerrand et qu'ils lui parlent en anglais. Elle se sent alors exclue de la seule culture qu'elle connaisse. L'apparition de ce français représente alors la proximité de cette double culture, de par son père qu'elle n'a jamais connu.
Un petit roman bien écrit, se déroulant dans une ville que j'ai visitée, donc l'affect étant présent, tout comme la situation de la jeune fille, peut être un peu autobiographique de la part de l'autrice. J'ai passé un très bon moment de lecture, l'ayant lu d'une traite.
"Hiver à Sokcho" de Elisa Shua Dusapin, 7.50€
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