J'étais bien intriguée par la jolie couverture du premier roman de Magyd Cherfi, dont le nom ne me disait rien, mais en rédigeant l'article actuellement j'ai regardé sur internet, et effectivement, sa tête me parle. La couverture était vraiment joliment illustrée, le titre original, je me suis dit que ce roman était l'occasion pour moi de lire mon tout premier roman de chez Actes Sud, dont le format est assez original. Tout en hauteur et étroit. Plutôt pas mal à lire mais déconcertant au début. J'ai lu ce roman en trois, quatre jours, faisant environ 270 pages. Je ne pense pas qu'il soit autobiographique, peut être l'auteur s'est-il inspiré un peu de sa vie, mais j'ai bien ri.
On suit Slimane, la cinquantaine, kabyle, roi du burger hallal, possédant une camionnette dans laquelle il fait des burgers à des tas de goûts différents avec son ami Boris. Le jour où ce dernier enterre son père, Slimane se retrouve au milieu du chagrin familial, lui-même si peu habitué à tant d'effusions, son père étant décédé sans quel cela provoque grand chose chez lui, et il n'est pas proche de sa mère lui ayant survécu. Slimane a deux fils, Elias et Eden, le premier étant homosexuel, chose qu'il a du mal à digérer. Il est séparé de sa femme Leila, l'amour s'étant évaporé entre eux, surtout pour elle, bien que Slimane lui soit toujours très attaché.
Il accueille Boris chez lui, vivant toujours son deuil, ne faisant pas grand chose de ses journées. Tous deux décident d'arrêter leur affaire de burgers, ayant l'URSSAF aux fesses. Un jour, Slimane décide de rendre visite à sa mère, femme aigrie et sans arrêt en colère qui n'est guère affectueuse envers son fils et ses quatre autres enfants. Ce roman tourne clairement autour d'elle, d'où le titre. On apprend qu'elle a été enceinte une bonne dizaine de fois, certaines grossesses s'étant soldées par la mort du bébé. Ont survécu Smail, Kamel, lui-même Slimane ainsi que ses deux sœurs, Ouardia et Soraya. Tous les cinq luttant entre leurs origines kabyles, la religion musulmane et le fait qu'ils soient nés en France. Une des sœurs de Slimane s'habille très court, se maquille beaucoup, tandis que l'autre représente la parfaite petite épouse, quant à ses deux frères ils sont plutôt des puristes.
La mère quant à elle doit se rendre à l'hôpital, moment où Slimane réalise qu'ils se sont fortement éloignés, que ses fils la connaissent à peine, et qu'il aimerait se rapprocher d'elle. Les relations entre frères et sœurs ne sont pas au beau fixe, Slimane étant vu comme le Bocuse, bien français s'étant inséré dans la société française et a réussi, tandis que les autres se battent avec leurs démons. Slimane rend régulièrement visite à sa mère, lui prépare à manger, subit les remarques de sa mère avant que celle-ci ne s'adoucisse. Il parle de sa mère à ses enfants, tous deux surpris d'entendre parler de cette femme dont leur père leur parle à peine, ainsi qu'à Leila, s'adoucissant devant l'affection soudaine de son ex-mari envers sa mère.
Le récit est bourré de phrases drôles, d'humour, la difficulté de trouver sa place en tant que kabyle, musulman et français est le thème le plus présent dans le récit. Parler le kabyle, se marier avec une kabyle, faire la prière cinq fois par jour, comme le fait la mère de la famille, respecter les traditions... On reproche à Slimane et à ses fils d'être trop français appelant la matriarche grand-mère, mot selon leur famille plutôt utilisé par les blancs, que Slimane parle à peine le kabyle, préférant parler espagnol à ses frères et sœurs, leur mère ne le comprenant pas, leur permettant de dire tout ce qu'ils souhaitent.
Les frères de Slimane voulant que leur mère fasse un pèlerinage à la Mecque avant de mourir, tandis que celle-ci préfère voir la grande mosquée bleue d'Istanbul accompagnée de Hafida, rencontrée à l'hôpital, coiffeuse de formation, ayant changé totalement la coupe de cheveux de la matriarche, femme dont se méfient les deux frères de Slimane, tandis que ses sœurs sont excitées par ce voyage à venir où elles accompagneront leur mère. Slimane est dans l'entre deux, heureux de voir sa mère enfin heureuse, et gentille avec ses enfants, et aussi en retrait par rapport à sa soudaine métamorphose. Celle-ci se met à danser à l'hôpital, devient la mascotte du lieu, sympathique avec tout le monde, change de coupe de cheveux, elle vit enfin une vraie vie, que la vie ne lui avait pas donné le droit de vivre du vivant de son mari.
Une lecture assez addictive de par la plume unique, drôle, mêlant mal-être, difficulté de trouver sa place, vrais sujets de société mais traités d'une façon décalée, ce qui rend le récit vraiment génial à lire. Je n'ai jamais trouvé ce genre d'écriture ailleurs, surtout pour un roman traitant de questions d'identité, de relations familiales, filiales, amoureuses... Difficile de montrer par écrit à quel point le récit était bourré d'humour, et absolument décalé, je vous conseille donc vivement de le découvrir par vous-mêmes.
"La vie de ma mère! "de Magyd Cherfi, 21.50€
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