J'avais vraiment hâte de partager cet article avec vous, étant le tout dernier Franck Thilliez que je publie pour vous le lendemain de sa sortie, mais au moment où j'écris l'article nous sommes le 17 mars. Nous l'avons reçu à la librairie depuis février avec exactement cette couverture, en épreuves non corrigées, cela veut dire que certains passages sont susceptibles de changer avant l'impression finale. D'ailleurs vous le voyez il n'y a pas de couverture particulière, c'est simplement noir. Peu importe, au moins nous avons pu l'avoir en avance, et j'ai pu le lire avant sa sortie, cela suffit à mon contentement.
Ayant raté celui de l'année dernière étant en Corée, j'étais ravie de me replonger dans un Thilliez après quasiment deux ans. Pour une fois on ne suit pas Sharko ou Hennebelle, et l'histoire ne se déroule pas en France mais au Canada, première fois que l'auteur situe son histoire là-bas, dans la partie française. L'histoire traite du sort et de la condition des innus, amérindiens, traités comme des moins que rien, même sort réservé aux amérindiens des USA, parqués dans des sortes de camps tels des bêtes. Autant le triste sort des "indiens d'Amérique" est bel et bien connu, autant celui de ceux habitant au Canada ne l'est pas. J'ai trouvé donc très intéressant que l'auteur français, influent, parle de cette tragédie, trop longtemps tue aux yeux du gouvernement canadien et du monde. Deux collègues avant moi l'ont lu, et l'ont également beaucoup apprécié, car abordant une histoire bien différente de celles qu'on peut lire habituellement. C'est suite à un voyage au Québec, que Thilliez a eu envie de poursuivre cette aventure, en nous plongeant dans un roman d'ambiance, le lecteur pouvant ressentir le grand froid qui entoure et qui paralyse. Pari réussi, tout en dénonçant un véritable crime.
Commençons par le commencement. Sans vous en dire trop, je vais commencer par le début. On suit d'un côté Teddy Schaffran, habitant à Lyon, criminologue et détective de métier, sur une affaire proche de chez lui au début du roman. Il trouve l'assassin de ces trois filles retrouvées morte, avant d'apprendre une terrible nouvelle. Sa fille, Morgane, 28 ans dont il n'avait plus de nouvelles depuis des années a été retrouvée assassinée dans une bourgade du nom de Norferville, à l'extrême nord du Canada, là où le froid vous isole et vous tue. Il s'envole alors pour un très long voyage jusqu'à Montréal, puis prend un autre avion jusqu'à la plus "grande ville" proche de Norferville, avant de prendre le train ralliant Sept-Iles et Norferville, trajet durant 13 heures, deux fois par semaine. L'homme arrive alors dans cette bourgade où le froid est intense, pas du tout préparé aux très rudes conditions météorologiques, ni même à l'horreur qui l'attend sur place concernant sa fille.
De l'autre côté on a Léonie, 36 ans, lieutenant de police, ayant été agressée sexuellement au tout début du roman avec une amie lorsqu'elle était jeune à Norferville. Métisse, issue d'un père blanc et d'une mère innue, elle a grandi dans cette ville du rien, où déjà à l'époque, la dépression entourait la ville. Isolée de tous, peu de travail, avec des conditions de vie extrêmes, blancs et innus cohabitent non sans mal. Les innus étant souvent la cible de discriminations et d'actes peu orthodoxes de la part des blancs, les innus leur rendant bien, méfiants à l'égard de leurs voisins colonisateurs. Les innus ont toujours habité ces terres rudes, étant en parfaite harmonie avec la nature, mais les blancs ayant découvert l'importance capitale que cette région possédait...
Léonie vivant cette discrimination, n'étant pas considérée comme blanche par les blancs ni comme une innue par la communauté amérindienne. Le lot de beaucoup de métisses... Quelques temps après cette fameuse nuit d'horreur, sa famille a emménagé à Montréal pour, elle l'espérait, définitivement tirer un trait sur ce pan de vie dans la ville de l'horreur. Malheureusement, bien qu'ayant pris une revanche sur la vie, ayant choisi de servir la justice et la vérité, elle est envoyée à Norferville, suite à la découverte du corps de Morgane. Léonie qui croyait en avoir fini avec cette ville...
Elle arrive donc sur place, accompagnée de deux hommes de son équipe, tous deux ne restant que deux jours sur place afin de procéder aux premières analyses. Elle tombe tout de suite sur Liotta, le chef de la police ayant toujours vu Norferville comme son fief, son terrain de jeu, menant son rôle à la baguette. Il est désobligeant envers Léonie qu'il reconnait tout de suite. Celle-ci lui rend bien, persuadée de sa culpabilité durant cette fameuse nuit... Léonie est la supérieure hiérarchique de Liotta sur cette affaire, ce qui ne va guère plaire à notre cow-boy local. Malgré l'horreur de la situation, la découverte de cette jeune femme dont le foie a été retiré, morte dans un état horrible, Léonie garde son sang froid pour tenter de résoudre cette affaire. Elle va bientôt être rejointe par Teddy, le fameux père de la victime, souhaitant voir la dépouille de sa fille, avant que celle-ci ne rejoigne l'hôpital. En effet les conditions météos sont telles que la garder à Norferville, est pour l'instant la meilleure idée.
Teddy côtoyant lui aussi la mort de près, va se mettre en tête de retrouver l'assassin de sa fille. Il va donc travailler étroitement avec Léonie, malgré elle, qui au début n'est pas tellement pour cette idée. Durant deux semaines, tous les deux, assistés de Liotta, Mangematin son acolyte, et de la police locale, vont tenter de trouver des réponses à leurs questions. Léonie découvre à quel point l'alcool et la drogue ont fait des ravages dans cette ville, surtout du côté innu, parqués dans des sortes de maisons en béton, peu éloignés de la forêt, de laquelle ils sont proches, mais cette invasion blanche, les ayant définitivement changés et éloignés de leurs racines. Notre lieutenant va aller frapper chez son amie Maya, sans qui elle ne serait pas là, suite à cette nuit de l'horreur lorsqu'elles avaient 16 ans. Elle tombe sur une femme faisant bien plus âgée que son âge, stone, sale, ayant des traces de coups sur le corps. Léonie est désemparée de voir son ancienne amie comme cela. Elle va tenter de l'aider, mais ça semble trop tard...
Sous des conditions de froid extrême, souvent -20 ou pire, Léonie et Teddy armés de vêtements chauds, évoluant dans une ambiance oppressante de froid extrême, vont aller interroger des innus, les habitants de la ville, qui a connu désertion. Les mineurs font vivre la ville, travaillant dans une mine à plusieurs dizaines de kilomètres de Norferville, l'état profitant des ressources riches de cet endroit du Canada pour puiser inlassablement dedans, quitte à tuer les tribus locales. Une nuit, tous deux voient un homme regarder fixement le portrait de Morgane dans une rue, ils vont alors se mettre à le poursuivre, entrant dans un brouillard de glace pouvant être fatal. Ils mettent leurs vies en danger à plusieurs reprises, Teddy pour retrouver l'ordure qui a ôté la vie de sa fille, et Léonie pour traquer le mal dans cette ville qui l'a détruite. Elle ne fait pas confiance à Liotta et confie son histoire à Teddy, les deux personnes se rapprochant.
Leur enquête continue, les premiers résultats arrivant, Morgane n'a pas été tuée par un animal mais bel et bien par un homme. Teddy et Léonie vont s'intéresser au trajet de la jeune femme, et vont découvrir que d'autres femmes se sont rendues sur plusieurs années dans cette ville sans traces d'en être sorties... Ils vont tomber alors sur un sombre réseau de prostitution, impliquant les mineurs frustrés sexuellement, ainsi que le cas de jeunes femmes innus. Avec la rencontre d'un homme avouant avoir payé 300 dollars pour rencontrer Morgane, les deux acolytes vont découvrir ce réseau. Ils apprennent alors que Morgane habitait à Montréal, chargée d'aider des femmes innus suite à des actes affreux. Elle se serait rendue sur place afin d'en découvrir plus, et faire éclater ce qu'il s'y passe au monde...
Léonie et Teddy en découvrent toujours plus sur l'horreur de l'espèce humaine, plongés dans cette enquête, tandis qu'en France, l'acolyte de Teddy apprend l'implication de Teddy sur l'affaire de Lyon, et Patrick le copain de Léonie lui-même policier, en apprend plus sur Morgane, chargé aussi de l'enquête.
Une sombre affaire sur la condition des peuples aborigènes, comme toujours pour des questions d'argent, mais aussi d'ennui. Le froid est omniprésent, un froid si puissant qu'il vous congèle jusqu'aux tréfonds de votre âme. Thilliez a bien réussi à nous transmettre cette atmosphère oppressante, glaciale, capable de vous tuer, qui isole et étouffe ses personnages, souhaitant absolument découvrir la vérité. Un récit vraiment prenant que j'ai lu en quatre jours, différent de ce qu'il propose habituellement, et comme je vous le disais au début, très intéressant et engagé, de par le sujet méconnu qu'il a souhaité traiter. J'ai vérifié, et il le dit lui-même dans le post-scriptum du roman, Norferville n'existe pas, mais des villes de ce style ont réellement existé, et existent sûrement toujours...
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