En voilà un roman pour le moins original, engagé, décalé et d'actualité. Je l'avais choisi pour mon rayon, ayant reçu le service de presse et l'ayant emprunté pour le lire. Je l'avais mis sur ma pile sans fin de livres à lire, jusqu'à ce que l'éditrice nous appelle et nous demande si je l'avais vu. Je me suis dit que c'était le moment. Publié aux Editions du Rocher, maison d'édition située à Monaco, Hélène Vézier aka Madame Meuf qui s'est reconvertie dans le stand-up, travaillait de base au Sénat. Diplômée de Sciences-Po, ayant le package pour fouler les institutions gouvernementales, c'est ce qu'elle s'est dit durant 15 ans, d'abord au Sénat, ensuite au sein d'un cabinet d'une candidate, une certaine Ségolène R, pour ensuite revenir au Sénat.
Parlant à la deuxième personne, comme si elle s'adressait au lecteur, façon un peu perturbante d'écrire, l'autrice nous parle de ces 15 ans de politique. La planque qu'est le Sénat, des personnes élues pour si longtemps qu'il est tentant de s'enliser dans cette routine, la décoration semblable à un Versailles bis, les privilèges de travailler là-bas avec des courts de tennis, une garderie pour enfants, une cave à vins dans laquelle vous pouvez piocher à foison, le restaurant absolument délicieux... Elle découvre avec stupéfaction le lieu plein de moquette, velours, dorures... Les premiers jours elle est seule, attendant le député pour lequel elle travaille, nous montrant un bel aperçu de la vie des élus... Elle réalise vite qu'elle va s'ennuyer ici, malgré le faste de son nouveau lieu de travail, le balcon avec vue qu'elle possède, et le "bureau bite" sur lequel elle travaille, très inconfortable. Elle en profite donc pour tester toutes les infrastructures du Sénat, la salle de musique, de sport, les cours de peinture, en attendant la personne qu'elle devra aider. Elle nous dessine le portrait de personnes prêtes à tout pour arriver à leurs fins, des comportements puériles tels des enfants, les soirées arrosées, l'ambiance au sein du Sénat faite de misogynie, de remarques déplacées, de coucheries en tous genres, de piston et de privilèges, de la supériorité des hommes envers les femmes et j'en passe.
La narratrice se fait à cette nouvelle vie, lèche les bottes de son élu, comprenant que c'est comme ça qu'on réussit dans le métier, l'appelant "Machin" ne sachant donc jamais pour qui elle a travaillé. Elle est l'assistante parlementaire d'un élu d'outre-mer, chargée de toutes les taches ingrates comme répondre aux mails, appels téléphoniques, préparer les discours/interventions, aider son élu dans son travail en somme. Durant trois ans, elle foule le tapis moquetté du Sénat, pour ensuite partir et aider une certaine Ségolène. Ni ne droite ni de gauche, Hélène Vézier a été élevée selon des convictions plutôt de droite mais ayant travaillé et travaille ensuite pour des candidats socialistes. Il est beaucoup question de socialistes et de droite dans le livre forcément, des caprices et des frasques des uns et des autres. Les répliques fusent "disponibilité, adaptabilité, efficacité, transversalité, agilité, réactivité, proactivité, voudriez-vous un peu de thé, liberté, égalité, fraternité", les critiques aussi, une véritable satire des institutions gouvernementales françaises. On apprend des dingueries, à quel point les femmes sont mal vues si elles envisagent d'avoir un enfant, reléguées alors aux plus basses taches, les élus insupportables ( hommes et femmes compris évidemment, l'insupportabilité n'a pas de sexe) capricieux qui attendent de leur assistant, qu'il s'adonne corps et âme à son nouveau travail: "Tu fais partie des jeunots. Tu fais partie des mignonnes. Tu vas faire partie des sauteries".
Notre héroïne part ensuite en congé maternité alors qu'elle travaille pour une harpie, insupportable et ingérable qui l'appelle à n'importe qu'elle heure et la traite comme une merde littéralement. Elle revient ensuite refouler le tapis du Sénat, sur lequel elle s'était promis de ne jamais revenir, la queue entre les jambes. Entre séances chez la psy, ses enfants, son nouveau mi-temps au Sénat où elle perd de son pouvoir d'achat, mais étant toujours plus intéressant que de travailler pour une certaine Ségolène, notre héroïne continue sa vie, sentant bien que quelque chose ne va pas. Elle nous parle d'un certain Dominique S.K ayant été impliqué dans un scandale, d'un certain banquier prénommé Emmanuel M, de plusieurs personnalités bien connues.
Grâce à ce témoignage et à ce roman grinçant on en apprend plus sur les behind the scenes de la vie au gouvernement. Une lecture intéressante et unique au début, mais rapidement l'emploi du "tu" est perturbante, je ne pense pas avoir tout saisi à cause de l'emploi répété de drôles de tournures de phrases, et rapidement j'ai été assez lassée, même si j'ai terminé le roman. Les jeunes aux dents longues, les vieux de la vieille, les privilèges, l'impunité, tout ça m'a rapidement dégoûté, mais nous dresse un portrait plutôt clair de ceux qui nous gouvernent pour ceux qui en doutaient...
"Très très feutré" de Hélène Vézier, 18.90€
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