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La poule et son cumin

 J'avais envie de lire ce livre depuis des semaines, après avoir entendu dire sur les réseaux qu'il était bien. J'ai profité d'un samedi calme à la librairie pour le commencer, le continuer durant ma pause midi et le terminer le lendemain. Je l'ai même acheté ce qui est plutôt rare. Il s'agit du tout premier roman de l'autrice franco-marocaine Zineb Mekouar qui nous amène à en savoir plus sur le pays d'un de ses deux parents, le Maroc. Récemment adapté en poche aux éditions Points, j'en ai entendu parler et j'ai eu très envie d'en savoir plus. Dans ce roman se déroulant entre le Maroc et la France, on suit deux jeunes femmes: Fatiha, élevée seule par sa mère qui est bonne pour la riche famille Chérif Falani dont la petite fille s'appelle Kenza. On suit le destin de ces deux petites filles, puis jeunes femmes avant de devenir femmes et que leurs chemins s'éloignent.

Kenza est une petite fille privilégiée, vivant avec sa grand-père Mamizou et son grand-père qu'elle surnomme Bassidi Abbas. Tous deux ont élevé leur petite-fille, leur fils et sa femme étant décédés alors que Kenza n'était encore qu'une enfant. Elle vit au sein de cette famille riche, apparemment descendante du Prophète lui-même. Kenza ne manque de rien, va à l'école française, est amie avec des jeunes filles blanches et parle mieux français qu'arabe au grand désespoir de son grand-père. Sa grand-mère quant à elle souhaite que sa petite-fille parle anglais, français, soit cultivée et fasse sa propre route, quittant ainsi les traditions marocaines, encore étriquées. Elle lui intime même de s'éduquer sur les religions, souhaitant qu'elle lise la Torah, la Bible, le Coran, s'intéresse aux "philosophies occidentales, aux sagesses orientales" afin que sa petite fille choisisse sa spiritualité. Kenza grandit avec Fatiha, la fille de la bonne Milouda qui fait office de seconde maman. Les deux filles n'ont que deux ans d'écart, et malgré leurs différences de classe sociale, s'entendent très bien, dorment ensemble, chassent les papillons ensemble, mais ne sont jamais autorisées à prendre leurs repas ensemble. Chacune à sa place.

Kenza se fait amener à l'école par son chauffeur Ali, a seulement des cours d'arabe littéral les vendredis après-midis, uniquement dispensés aux marocains de l'école, tandis que Fatiha se rend dans son école à pied, accompagnée de ses amies Mbarka et Rkia que Milouda n'apprécient pas, disant qu'elles attirent le mauvais œil. Fatiha étudie à l'école "normale". Les deux petites filles parlent en arabe et français entre elles, Kenza parlant à Fatiha en français, celle-ci le comprenant très bien mais lui répondant toujours en arabe. Kenza évolue dans cette culture marocaine assez stricte, comme les idées de bien faire le Ramadan, ce qui est "haram" la honte et ne se fait pas comme boire, avoir des rapports sexuels avant le mariage, avorter... Tout un tas de diktats qu'elle se doit de respecter, tandis que son grand-père souhaite qu'elle fasse de bonnes études pour étudier en France, ce qu'elle fera. L'homme est très influent, et grâce à cela, Kenza a son entrée à peu près où elle veut. Elle grandit en étudiant les régions françaises, chante Claude François, mais vit dans un Maroc puritain. Les étés, elle se rend avec ses grands-parents au nord du pays, là où les familles aisées ont une résidence secondaire. Un été elle décide de fêter l'anniversaire de son amie de toujours Fatiha, que ses copines Clémence et Nadia regardent mal, dû à leurs différences sociales. 

De son côté, Fatiha souhaite rester au Maroc, chez elle à Casablanca, elle aussi la tête bien pleine de tout ce qu'elle doit respecter en tant que bonne musulmane, obéissant aux pulsions de Soufiane une fois adulte et de Karim alors qu'elle n'a pas 20 ans, mais de façon à ne pas rompre son hymen en faisant "L'amour par derrière" comme l'autrice le dit, croyant pourtant que le Coran l'interdisait. Il est beaucoup question de religion, de trouver sa place notamment pour Kenza entre ses origines le Maroc et la France, pays qu'elle a tant étudié en cours d'histoire, dont elle connaît même mieux la géographie que son pays natal. La France l'amenant à lâcher prise, décidant de boire, d'avoir des relations avec Alexandre son copain français, à rompre le Ramadan, à manger du porc. Elle est Kenza marocaine en France, et personne n'a le droit de lui dire ce qu'elle doit faire. Pour Fatiha restée au pays de laquelle s'est éloignée notre descendante du Prophète, la vie est différente. Elle est infirmière, doit trouver une solution à sa situation compliquée dans un pays encore très fermé sur beaucoup de pratiques même de la part de non musulmans. Dès son enfance elle a été éduquée avec l'idée d'être pieuse, respectueuse des règles, et que pleins de choses ne lui étaient pas autorisées. 

Le récit alterne entre des moments du présent où Kenza rentre de Paris direction le Maroc, guère ravie d'y retourner, bien que sa condition soit enviable, les moments de solitude vécus par son amie d'enfance Fatiha, des moments heureux d'enfance, lorsque les deux filles avaient moins de fardeaux à porter qu'une fois adultes, bref l'évolution de leurs vies et de leur amitié. Les chapitres sont courts, efficaces, j'ai beaucoup aimé suivre ces deux femmes si différentes mais si similaires à la fois, dans un roman qui m'en a fait découvrir plus sur le Maroc, sur cet entre-deux que peuvent ressentir certaines personnes par rapport à leurs pays d'origine et leur pays d'accueil où ils vivent plus tard, sur les diktats liés à la religion même si je les connaissais déjà en grande partie. Sur tracer sa propre route, faire ses propres choix sans faire ce que les autres aimeraient que vous fassiez. Trouver l'équilibre entre respect de la religion et vie moderne. 

Bref une véritable plongée dans la vie de deux marocaines vivant dans un Maroc du vingt et unième siècle, ayant vécu la mort du monarque Hassan II, le grand-père de Kenza lui répétant: "Tu te dois de pleurer la mort de ton monarque", celui-ci ayant travaillé pour le roi, persuadé alors qu'il ne travaille plus, que l'Etat allait l'appeler pour retrouver des fonctions importantes. Les deux fillettes pleurent alors ce monarque qu'elles ne connaissent pas et qui ne leur a jamais rien donné, en pensant au mouton égorgé pour l'Aïd.

Je recommande vivement ce roman, moderne, il est pas mal question de cigarettes, d'alcool et surtout de sexe, amenant à avoir une vision plus biaisée de la religion parfois hypocrite, proposant des personnages modernes, pieux, respectueux des règles, dérogeant aux règles, souhaitant vivre comme ils l'entendent, un large panel de personnages très intéressants que j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. Il est question de tout simplement vivre. 



"La poule et son cumin" de Zineb Mekouar, 8.40€


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