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L'affaire Midori

 Une lecture que j'avais envie de découvrir depuis longtemps avec "L'affaire Midori" de Karyn Nishimura, une journaliste française vivant au Japon depuis des années. Dans ce livre elle nous raconte sa vie en tant que française au pays du soleil levant, entre son travail, les urgences journalistiques à traiter et son regard sur cette société en apparence très lisse, très respectueuse... Elle nous raconte l'affaire Midori, une affaire qui a secoué le Japon en 2017, dans laquelle une jeune femme, fin de la vingtaine a tué sa fille de 4 ans Maya, le corps ayant été retrouvé démembré dans une glacière pleine de litière pour permettre aux odeurs de ne pas se diffuser. Dur... Le début commence donc de façon très intense, surtout quand on sait qu'il s'agit d'une véritable affaire, ça commence fort... Elle est aussitôt condamnée, avoue les faits et est incarcérée en attendant son procès. Quelques temps plus tard on découvre deux bébés retrouvés dans un casier à clés d'une gare, et encore, c'est Midori la mère, qui les a tués. Coupable donc de trois infanticides, la jeune femme s'attire les foudres du pays entier. 

Pour notre journaliste, évidemment l'affaire est sombre et cruelle, elle qui a deux enfants nés au Japon, forcément cette histoire la touche et l'affecte, mais elle essaye de comprendre comment elle a pu en arriver là. Elle fait donc des recherches, et on apprend donc que Midori est originaire de la préfecture de Fukushima, habitant à seulement quelques petits kilomètres de l'ancien réacteur ayant explosé, la fameuse catastrophe de Fukushima en 2011 on s'en souvient. La famille ayant été déplacée pour vivre dans des gymnases durant des semaines, puis ayant été relogée à la va-vite dans une maison en préfabriqué, Midori en a préféré la fuite. Son père et sa mère sont restés, son grand-frère a aidé à enlever les décombres si nombreuses, processus interminable, risquant sa propre vie malgré les systèmes de combinaison. Son père qui avait une poissonnerie, a du tout laisser en plan afin d'éviter la mort à cause du tsunami ayant tué plus de 30 000 personnes. Il a finalement fini par se suicider quelques années après. Midori est donc partie, alors enceinte, ayant tout juste 21 ans. Le père, un homme de sa ville n'a pas souhaité reconnaître l'enfant, et elle est partie, aidée par les services sociaux et des associations. 

Notre jeune femme étudiant pour devenir pharmacienne s'est alors retrouvée à fuir une région endeuillée et dangereuse car hautement radioactive, pour vivre seule, loin de chez elle. Elle eut du mal à aimer cet enfant, elle le confia à des personnes lorsqu'elle travaillait, se retrouvant rapidement à vendre son corps pour survivre. Toute cette épopée de sa vie pré-drame, nous amène à voir les conséquences d'une tragédie mal gérée, des traumas peut être responsables d'un pétage de câble. C'est du moins où souhaite en venir l'autrice. Car Midori avoue ses crimes, se repent, pleure, en est désolée. Elle regrette. La société japonaise continue de l'accabler, tandis que le pays pratique toujours la peine de mort. L'autrice nous apprend que pendant les années du procès, plusieurs exécutions auront lieu, notamment en exécutant les douze responsables de l'attentat de 1995, dans le métro tokyoïte au gaz sarin par la secte Aum. Elle nous confia à quel point pour elle la peine de mort est une issue cruelle et sans efficacité, cette sentence ne permettant pas de faire revenir les personnes à la vie. Midori risque alors elle aussi cette peine capitale, bien que notre journaliste doute fortement que ce pays pourtant intransigeant, n'accable encore plus une jeune maman qui n'est au fond pas une mauvaise personne.

Karyn Nishimura continue son travail journalistique, d'autres urgences surviennent dans son travail, qu'elle doit couvrir, entre cette fameuse affaire à laquelle elle assiste au procès et qui la remua fortement, les exécutions des responsables de la secte Aum, sans parler de l'incarcération de Carlos Ghosn, qui finit par s'enfuir. Sans compter les comportements quotidiens des japonais ne communiquant jamais entre eux, les femmes enceintes devant avoir un badge avec elles, pour que les autres citoyens leur laissent la priorité, tout le monde ayant aussi une application leur signalant une femme enceinte dans les parages, étant incapables de le remarquer seuls. Un pays toujours puissant économiquement, mais où la communication et la solitude sont légions, ce qui provoque de nombreux problèmes. L'autrice fait parfois quelques parallèles sociaux entre la France et le Japon, moments très intéressants, adorant le Japon, forcément cela m'a beaucoup intéressée. 

Elle nous parle du procès de Midori durant plusieurs jours en plein été, dont le verdict a eu lieu le 2 août 2018, condamnée à la prison à perpétuité. A force de se renseigner sur cette affaire, après avoir rencontré son avocat, essayé de comprendre les blessures de cette jeune femme, sûrement meurtrie par la société, Karyn Nishimura la prend en affection en quelque sorte, et la sentence est dure à avaler pour elle. La société façonne les japonais à ne pas remettre en cause la peine de mort, car finalement ceux qui attendent dans le couloir de la mort parfois des décennies l'ont mérité. Ces personnes façonnées dans le schéma: études, famille, avec souvent la femme quittant son travail pour s'occuper de l'enfant qui coûtera l'équivalent de plus de 20 000€ jusqu'à sa majorité. Il y a une phrase que j'ai notée qui m'a beaucoup parlée c'est celle-ci: "Il se trouvera bien un jour des grincheux pour dire il leur faudrait un bon accident nucléaire, écho du il leur faudrait une bonne guerre que lançaient autrefois des vieux en colère contre des jeunes protestataires. Non mesdames et messieurs, un tsunami, un accident nucléaire comme une guerre ne créent pas des liens, ils brisent des familles". Très juste, car c'est typiquement la phrase que me lance ma grand-mère parfois, ne se rendant clairement pas compte de ce qu'elle dit, surtout lorsque la France était victime de plusieurs attentats terroristes, qui est clairement une déclaration de guerre. Non un traumatisme pareil ne va en rien aider les citoyens ou même les jeunes à se secouer, à se prend en main et à aller mieux. 

S'étant rendue à de nombreuses reprises à Fukushima pour son travail, habituée après tant de passages à enfiler les nombreuses couches de vêtements afin d'éviter au maximum les radiations, bien que ce ne soit pas gage de sécurité absolue, l'autrice est particulièrement affectée par cette catastrophe. Qu'en aurait été t-il si la tsunami n'avait pas eu lieu/si la centrale n'avait pas explosé? Midori serait-elle restée proche des siens, sans traumatismes, et n'aurait-elle pas assassiné ses enfants? Nishimura en est persuadée, que le facteur social et traumatique est bel et bien présent dans cette histoire. Elle va aller jusqu'à rencontrer la mère de l'accusée, enlevant son étiquette de journaliste, seulement en tant que femme, pour en savoir plus. Jeune femme avec laquelle elle communiquera via lettres interposées, et ira ensuite la voir directement en prison. 

Une lecture particulièrement intéressante d'une journaliste étrangère vivant et travaillant au Japon, ayant son point de vue d'occidentale japonisée dans cette affaire, son affect et son point de vue étant particulièrement intéressants. J'ai lu ce livre d'une traite, qui m'a particulièrement pris aux tripes et que j'ai beaucoup aimé, bien que la lecture ait été difficile à plusieurs moments. Au travers d'une affaire criminelle qui secoua le pays entier, la journaliste parle de la société et de ses failles. 



"L'affaire Midori" de Karyn Nishimura, 17€

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