Une très belle lecture que j'ai faite récemment, avec "Une soupe à la grenade" de Marsha Mehran, femme iranienne, s'étant servi de sa propre histoire pour construire celle-ci. L'autrice est décédée à l'âge de 36 ans en Irlande. Dans ce roman sorti l'année dernière en grand format mais été récemment adapté en poche chez Picquier, cette maison d'édition que j'aime tant, proposant toujours de bons textes avec de jolies couvertures. J'en ai profité qu'on l'ait reçu en importante quantité pour en emprunter un à la librairie.
On suit donc trois sœurs, ayant fui l'Iran suite au régime autoritaire et de la sharia du shah dans les années 1970, pour s'installer en Angleterre, après avoir voulu obtenir un passeport américain avec difficulté. Marjan, fin de la vingtaine, jeune femme dynamique, positive, généreuse faisant office de mère pour ses deux jeunes sœurs Bahra 24 ans plus renfermée et taiseuse et Layla 15 ans encore adolescente. N'ayant plus de parents, et on l'apprend au fur et à mesure du récit, ayant vécu un évènement particulier qui les a déterminées à quitter leur pays d'origine, toutes trois après avoir habité des années à Londres, s'installent dans un petit village irlandais. Dans la capitale du Royaume-Uni, Marjan était commis avant de devenir cuisinière dans des restaurants toujours plus haut de gamme, Bahra a passé son diplôme d'infirmière et travaillait dans une maison de retraite tandis que Layla poursuivait sa scolarité.
C'est à Ballinacroagh, petit village irlandais que les trois sœurs s'installent, dans le but d'ouvrir un café restaurant, le café Babylone, afin d'y proposer des saveurs de chez elles, l'Iran, dans ce village où tout le monde se connaît et où un certain Thomas McGuire règne en maître. Ayant réussi à faire prospérer le bar de son père et même à avoir créé tout un empire, cet homme fermé d'esprit, intolérant et insupportable règne en maître. Géniteur de plusieurs enfants, il persuade beaucoup de monde de boycotter le café exhumant pourtant des odeurs délicieuses de cannelle, rose, cardamome... Les sœurs Aminpour se donnent du mal pour redécorer tout le local qu'elles louent dans leur nouveau chez elles, anciennement une pâtisserie italienne, dont le propriétaire est décédé, et sa femme décidant de le louer à autrui. C'est aux sœurs iraniennes qu'elle décide de le louer, les prenant rapidement sous son aile, celles-ci fort occupées par la préparation de tout un tas de plats incroyables dont le fumet embaume rapidement la rue. La préparation des plats y est bien décrite, imaginant sans peine les bonnes choses qu'elles sont en train de préparer.
Marjan se rend même à Dublin afin de remplir sa camionnette d'ingrédients difficiles à trouver dans leur nouveau village, avant de planter un petit jardin de plantes aromatiques, nécessaires à ses recettes. Bahra et Layla travaillent dur en attendant son retour, le café commençant à prendre son identité, tous les murs étant rouges, des tapis persans, habillant le sol. Rapidement, elles deviennent l'objet d'attention numéro un du village, certains ayant du mal à les accepter, sur le joug du maître, McGuire, les traitant de "putes" et de "bronzées". L'archétype même du gros raciste du village. Layla débute les cours, se fait rapidement des amis, tombant amoureuse d'un des fils de McGuire, Malachy, un bon garçon contrairement à son père. Le café ouvre finalement, les débuts étant difficiles mais étant rapidement occupé par le père Mahoney, un homme plein d'humour qui se prend rapidement d'amour pour les saveurs qu'il découvre. Tout au long du roman, à chaque chapitre, nous avons droit à une recette d'un des plats préparés dans le roman, de l'abgoosh", des "dolmas" la fameuse "soupe de lentilles rouges" des "oreilles d'éléphant", une diversité sucrée et salée de saveurs qui ont l'air incroyables.
Soutenues par certains habitants du quartier, le café Babylone connaît alors une bonne notoriété, les sœurs obligées d'embaucher quelqu'un pour les livraisons. On a régulièrement quelques flash-backs de leur vie en Iran, où on en apprend plus sur ce qui leur est arrivé, et pourquoi, en plus du régime islamique, composé de la police des mœurs, du couvre-feu, obligées de porter le voile intégral, elles ont décidé de partir. Bahrar notamment est toujours traumatisée d'un drame lui étant arrivée alors qu'elle vivait en Iran, hantée par cela, l'empêchant d'être sereine dans cette nouvelle vie.
Une très belle histoire sur l'acceptation des différences, l'ouverture d'esprit, l'adaptation à un nouvel environnement, quitter son pays d'origine, mais aussi le racisme, la discrimination, les à-prioris que les sœurs doivent supporter, mais aussi l'espoir, l'amour, la passion. Je ne peux que vivement vous le conseiller.
"Une soupe à la grenade" de Marsha Mehran, 9.50€
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