J'ai emprunté ce tout petit roman dont un prof m'avait parlé il y des années de ça, et le voyant dans notre réserve, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais de le lire. Un court roman de moins de 200 pages, premier roman de l'autrice japonaise Emi Yagi, éditrice d'un magazine féminin à Tokyo, ayant remporté pour ce livre le prix Osamu-Dazai remis chaque année au premier meilleur roman japonais. J'ai lu intégralement ce roman au travail sur plusieurs jours, les jours d'été étant pour certains assez calmes, donc autant en profiter pour faire une activité utile.
Je pense bientôt vous reproposer une vidéo avec des romans japonais que je vous conseille, et celui-ci sera dedans c'est certain. L'histoire est originale avec un vrai message et une vraie critique de la société japonaise. On suit Madame Shibata, notre héroïne, travaillant dans une entreprise chargée de créer des rouleaux autour desquels s'enroulent les produits de clients. Elle est la seule femme de ce bureau uniquement masculin, la misogynie y est donc sans réelle surprise, de mise. Sans accord écrit ou autre, elle est chargée de la préparation du café, de ranger les poubelles, d'ordonner la salle de pause, de distribuer les infos aux autres employés, alors qu'elle a le même poste. "Hé le café me lançait t-on alors que je vaquais à mes occupations. Or je ne suis pas un café non plus". Elle le fait car c'est ce qu'on attend d'elle, mais un jour, lasse de ce peu de valorisation qu'elle reçoit, elle décide d'y mettre fin, en prétextant une grossesse. De ce fait, tout le bureau devient au courant, et ses supérieurs comme ses collègues se retrouvent embêtés qu'elle ne puisse plus les servir comme avant, mais ils restent japonais. Ils ne vont pas demander à une femme enceinte de continuer comme avant de faire le larbin.
Les heures supplémentaires s'arrêtent donc pour elle, non rémunérées je précise, elle rentre désormais chez elle aux alentours de 17h, ahurie de voir autant de monde dans les transports à cette heure, considérant cela comme une chance plutôt que quelque chose de normal comme semblent le penser tous ces usagers des transports. Désormais, elle peut faire les courses avec des produits frais et du choix dans son supermarché, et commence à se préparer des meilleurs plats que ce qu'elle mangeait jusqu'alors. Elle se met à lire, à réfléchir, à prendre du temps pour elle ce qu'elle n'avait plus le temps de faire en travaillant autant. Au travail, tous ses comparses masculins s'enquissent de son état, lui disent de faire attention, parlent avec elle, et se mettent à regret à se débrouiller eux-mêmes du café instantané à faire et d'autres taches tout aussi sympathiques mais peu encombrantes lorsque jamais y met du sien..
Higashinakano, son collègue de bureau le plus sympa, s'enquière de plus en plus de son état, souhaitant qu'elle se repose un maximum, la déchargeant de taches, lui posant des questions sur sa grossesse... Tout le monde atour de Mme Shibata est très surpris de cette nouvelle, n'étant pas mariée. Les semaines passent selon les semaines où sa grossesse est censée évoluer. Jamais vraiment victime de son mensonge qui se passe plutôt bien, j'ai même trouvé que c'était bien trop facile, comme par exemple l'entreprise ne demandant pas une échographie ou autre preuve médicale pour le futur congé maternité, elle pense tout de même beaucoup à Marie, la Vierge Marie, ayant conçu son enfant seule "Tu étais si jeune en plus! Ton entourage n'a pas été trop surpris? Ils ont du croire à une simple liaison non? Et ton berger de fiancé là... non attends, charpentier... Joseph c'est ça? Il ne s'est pas mis en colère? Excuse-moi je ne connais pas très bien ton histoire". Tout un tas de répliques, de pensées drôles et originales, à l'image de la situation singulière dans laquelle s'est mise notre héroïne.
Elle prend du ventre car elle mange bien, sa silhouette change car elle prend le temps de s'alimenter, elle se rend même chez le docteur pour une échographie et à des cours de yoga pour la préparation à l'accouchement. Tant de situations loufoques que j'ai adorées lire, qui ne paraissent pas si folles finalement en lisant le livre.
En construisant ce mensonge, notre protagoniste dénonce la pression de la société notamment le poids des hommes sur elle, qui l'amène à mentir et à trouver une excuse imparable pour se sortir de ce statut de victime. Une lecture qui amène à repenser pleins de choses. Un livre que j'ai vraiment beaucoup aimé.
"Journal d'un vide" de Emi Yagi, 8.60€
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