J'avais ce petit roman japonais depuis des mois littéralement dans ma bibliothèque et c'était grand temps de le lire! D'autant qu'au moment où j'écris nous en avons toujours une importante quantité en librairie, j'avais donc envie de pouvoir en profiter pour le conseiller. Je l'ai plus aimé que ce que je pensais, ayant passé un très agréable moment de lecture. Tout comme dans ses autres romans "Un jeudi saveur chocolat" et "Un lundi parfum matcha", Michiko Aoyama nous propose un récit constitué de plusieurs personnages dont certains se croisent, ayant tous un point commun, une bibliothèque. Après le café qui était au centre de ses deux autres romans, l'autrice nous propose une histoire dont les personnages ont pour point commun la découverte d'une bibliothèque et d'une bibliothécaire, Sayuri Komachi, une femme très impressionnante qui en plus de conseiller des ouvrages relatifs à ce que cherche le visiteur, offre un petit cadeau en plus à chacun de nos protagonistes.
Pour débuter le récit, on suit Tomoka 21 ans, travaillant dans le rayon prêt à porter d'un grand centre commercial s'appelant Eden. Elle fait de son mieux, même si elle vit quelques injustices avec des clients qui s'en prennent à elle alors qu'elle n'y est pour rien. Elle se pose beaucoup de questions sur l'intérêt de cet emploi, ses aspirations... On lui soumet l'idée qu'elle devrait maîtriser Excel, et alors qu'elle prend son premier cours d'informatique, elle se rend compte qu'elle part de zéro. On lui conseille alors de se rendre à la bibliothèque à côté du centre social où elle pourra emprunter jusqu'à six livres. Elle fait alors la connaissance en premier de cette fameuse bibliothécaire, figure très singulière et bienveillante. Grâce à ses conseils, et grâce au dernier ouvrage de la liste conseillé, complètement différent de ce à quoi elle s'attendait, notre jeune vendeuse prend de l'assurance tandis qu'elle apprend de nouvelles choses. Elle en profite pour apprendre une recette de "castella" jusqu'à parfaitement la maîtriser, afin de remercier un jeune homme, Kiriyama qui lui avait donné un onigiri. Ce jeune homme qui travaille dans le même centre-commercial, dans un magasin de lunettes ZAZ.
On découvre ensuite Kyo, 35 ans, comptable pour un fabricant de meubles, un travail qui lui rapporte bien, mais n'est guère enrichissant, accomplissant ses taches de manière laconique. Il est en couple avec une jeune fille de dix ans plus jeune, qui en plus de travailler à mi-temps et vivre gratuitement chez ses parents, travaille sur sa marque de confection de bijoux. Kyo est envieux, car il aimerait comme elle avoir la capacité financière de créer son projet qui l'animerait tout en ayant la tranquillité d'esprit que même si son affaire prend du temps à démarrer, ce n'est pas grave. Il rêve d'ouvrir un magasin d'antiquités, et grâce à la rencontre avec la bibliothécaire, il va faire la découverte d'un homme entrepreneur, qui en plus de son travail de salarié, a ouvert sa propre librairie avec des chats. Il a son activité de salarié la semaine et son business de librairie le week-end. Kyo va alors aller le voir pour en savoir plus. Comment gère t-il tout cela? Est-il heureux? Cette rencontre va lui apporter beaucoup...
Natsumi 40 ans est ensuite notre troisième personnage à faire la connaissance de Komachi la bibliothécaire. Cette femme a eu un enfant récemment, et l'élève en grande partie seule. Si la répartition des taches dans les pays occidentaux n'est encore pas très égalitaire, en Asie c'est bien pire. C'est son cas, son mari travaillant jusque très tard, et n'étant guère impliqué dans l'éducation de leur enfant. Natsumi travaillait au service éditorial d'un magazine, adorant son travail et s'y dévouant corps et âme, mais après son congé maternité, de quelques mois seulement, elle a été transférée dans un service qui ne l'intéresse pas. Avec des horaires aménagés qui lui permettront de s'occuper de sa fille mais avec un emploi peu intéressant, Natsumi a complètement l'impression d'avoir été écartée de la société. Perdre le travail qu'elle aimait, elle seule qui s'adapte pour l'enfant qu'elle a eu avec son mari, ce chapitre est particulièrement intéressant sociétalement sur le couple avec enfant au Japon. De vrais questionnements émis, une vraie critique faite du rôle de la femme encore trop souvent vu comme la ménagère qui doit tout faire, alors que Natsumi travaille elle aussi... Grâce à sa découverte de la bibliothèque où elle amène sa fille, elle découvre un album pour enfants particulièrement fort, ce qui va lui donner envie de changer de voie et d'accomplir son rêve, celui d'éditer des livres.
On suit ensuite Hiroya 30 ans, sans emploi. Il vit chez sa mère, qui ne lui met guère la pression pour sortir de la maison et travailler, comme c'est très souvent le cas au pays du soleil levant. Il se force à sortir et à aider sa mère pour ne pas être un poids pour elle, l'aidant à faire des courses etc... Il tombe lui aussi sur la bibliothécaire, avec laquelle il discute de mangas, étant un grand fan des mangakas, il aimerait lui aussi pouvoir en vivre. Elle l'aide à lui faire prendre conscience en lui, que ce n'est pas impossible de vivre de ses dessins, et qu'il doit continuer. En sortant il retrouve un ancien camarade de classe, Seitarô, dont le rêve est de devenir écrivain. Tous deux se soutiennent, espérant que leurs rêves deviendront un jour réalité. En rendant visite à la bibliothèque, il apprend qu'un petit job se libère au là-bas, et décide donc de postuler. Sa vie à lui va également changer...
Quant à notre dernier protagoniste, Masao 65 ans retraité, ayant toujours travaillé dans la même entreprise, Honey Dome, commercialisant des petits gâteaux. Il se retrouve du jour au lendemain à la retraire, notre ancien chef de service habitué depuis 40 ans à travailler. Il vit avec sa femme, plus jeune d'une petite dizaine d'années qui quant à elle travaille toujours. Il réfléchit à quoi faire pour s'occuper le corps et l'esprit, le temps à venir paraissant long. Sa femme lui suggère de prendre des cours de "go" un jeu originaire de Chine particulièrement connu en Corée et au Japon. Notre retraité traine les pieds mais y va tout de même. Pour mieux apprendre ce jeu, il décide de se rendre à la bibliothèque, et grâce au fameux dernier livre de la liste n'ayant guère de rapport avec ce qu'il recherchait, l'homme prend confiance en lui, prépare des repas pour sa femme sur conseils de la bibliothécaire, se rapproche de sa fille Chié, libraire très enthousiaste par son travail. Le nouveau retraité se met à voir les choses différemment, avec du positif.
Une très belle histoire que j'ai beaucoup aimée lire. J'aime la façon dont l'autrice nous embarque avec des personnages tous différents, ayant des vécus différents, mais ayant tous comme point commun de se chercher. Le fait qu'ils se retrouvent tous, mais sans se croiser dans un même endroit qui les aide à prendre confiance en eux et à grandir est particulièrement bien trouvé. Certaines situations sont plus tristes que d'autres, mais il y a de l'espoir et de la beauté dans chacun de leurs histoires, sans que le roman ne soit tout beau tout rose non plus, loin de là.
"La bibliothèque des rêves secrets" de Michiko Aoyama, 8.50€
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