Un roman très ambitieux de la rentrée littéraire, publié aux éditions Philippe Rey que j'avais remarqué dès qu'on l'avait reçu. Il faut dire que sa magnifique couverture se remarque, et qu'il m'avait rendue curieuse. Ayant lu quelques romans ces derniers temps sur des femmes se déroulant au Maroc pour "La poule et son cumin" et en Iran pour "Badjens" j'avais bien envie de continuer de lire des romans nous emmenant au Maghreb avec encore, une histoire de femmes, de mœurs, de religion. Je trouve ça vraiment intéressant de lire des livres se déroulant dans des pays du monde, dans lesquels on en apprend plus sur un pays, une culture. J'étais bien lancée quant à celle du Moyen-Orient et du Maghreb j'ai donc eu l'ambition de commencer celui-ci, imposant avec ses 480 pages. Traduit de l'arabe, une langue très riche, certaines expressions ou mots étant intraduisibles en français je pense que l'autrice a préféré écrire dans cette langue, langue officielle de la Tunisie, car elle pouvait certainement dire plus de choses dans cette langue riche. Le français étant la seconde langue officielle du pays.
J'ai eu un peu peur de mettre une bonne semaine à le lire, et finalement j'aurais mis cinq jours. Pas peu fière, car ce roman était assez difficile, tant au niveau du nombre de personnages ( un arbre généalogique) est heureusement présent au début du récit, que pour ses sujets. On découvre alors deux familles bourgeoises tunisiennes, en 1935 en Tunisie, les Naifer, famille conservatrice et rigide et les Raasaa, famille progressiste et libérale. Dans une Tunisie encore assez conservatrice, les deux familles n'ont pas la même vision de la vie. Un roman se déroulant sur trois générations dont l'histoire principale se déroule en 1935, mais certains personnages parlant bien plus tard alors que la Tunisie a progressé en liberté, droit des femmes etc... Les Naifer ont cinq enfants tandis que les Raasaa en ont six. Le fils des Naifer, Mohsen épouse la fille des Raasaa, Zbeida. Tout part de leur union, point central du récit, et surtout un incident survenant une fameuse nuit où tous entendent Zbeida hurler. Certains pensent que Mohsen a levé la main sur sa femme ce qu'il n'avait jamais fait. Grâce à plusieurs points de vue tout au long du roman, celui de la bonne Louisa, de l'autre bonne Khaddouj, du frère de Mohsen M'hammed, du jumeau de Zbeida Mehdi, du père de Zbeida Ali, des mères des deux protagonistes et d'autres personnages, on obtient peu à peu les clés de l'histoire.
Forcément cette façon d'avoir créé le récit est un peu redondante car le même évènement est raconté une multitude de fois mais par des personnages bien différents. J'avoue avoir trouvé le début long, et puis avoir beaucoup aimé à partir du chapitre sur M'hammed, le frère de Mohsen, un homme homosexuel, chose forcément qu'il cache à sa famille, interdit dans l'Islam comme dans beaucoup de religions. Pourtant tout le monde connait ses préférences mais fait signe de rien. J'ai trouvé ce personnage intéressant, son chapitre difficile car il nous raconte comment il a été violé enfant, comment sa famille insistait pour qu'il se marie, et qu'une fois marié à Fawzia, il ne l'honorait pas ou alors pas de la bonne façon... Les personnages Naifer sont plus fermés d'esprit, on a donc la vision d'une Tunisie où la femme se doit d'obéir à son mari, de ne pas trop sortir de chez elle, de mettre le voile, tandis que chez les Raasaa, Ali le père de famille lui-même a voulu que ses filles soient éduquées en faisant appel à un professeur, Tahar Haddad, un homme qui fut connu pour son livre sur l'importance d'une amélioration des droits des femmes, et grâce à lui qui permit à la Tunisie de progresser sur l'égalité hommes femmes.
On apprend tout un tas d'éléments grâce à cette alternance de points de vue, une dizaine, avec des jeunes, des moins jeunes, des riches des moins riches, tout s'adressant à une seule et même personne (si j'ai bien compris) à Hend, la petite-fille de Zbeida. Cette fameuse nuit de malheur donc, Zbeida a reçu une lettre, transmise par Louisa sa bonne, avec laquelle elle a vécu dans sa famille les Raasaa avant d'habiter avec elle dans la famille de son époux les Naifer. Louisa, a caché cette lettre à l'origine de presque, un pugilat. Ecrite par le fameux Tahar, homme alors mal considéré par beaucoup étant vu comme un traitre ou un irrespectueux de la religion musulmane, tous pensent à une liaison entre Tahar et Zbeida femme alors mariée. Un homme de la famille évanoui, un qui s'est pris les pieds dans son vêtements, Zbeida tombée dans les escaliers, une nuit de drame, et Tahar le fameux professeur au milieu de tout ça. La religion est très importante dans le récit, intrinsèquement liée à la façon dont vivaient ces familles, mais bien que pas mal d'interdits et de règles pesaient sur les femmes, certaines ont dérogé aux règles comme Khaddouj la bonne à la peau d'ébène ayant couché avec un homme blanc s'étant moqué d'elle pour arriver à ses fins sans intention aucune de l'épouser, ayant du avorter avec l'aide de Mohsen.
Mohsen qui était amoureux d'une jeune femme blanche, une allemande, rencontrée au nord de la Tunisie dans sa maison de vacances, étant même allé jusqu'en Allemagne faire ses études pour se rapprocher d'elle, mais forcé ensuite d'épouser Zbeida. Béchira la mère Raasaa, cette fameuse nuit de cauchemar presse son mari et son fils de sauver l'honneur de sa fille en accourant sur les lieux des cris. Une femme qui a eu beaucoup de mal à accoucher, ayant pourtant engendré six enfants. Othan, le père Naifer convaincu de l'inutilité d'apprendre à lire et à écrire aux filles, engendrant chez elle une trop grande envie de liberté qui les mènera à leurs pertes. Tout un tas d'idées, de façons de voir la vie liés à leur éducation, à la religion et à la Tunisie de l'époque sous protectorat français, que beaucoup voyaient d'un mauvais œil. L'évolution du pays est très présent dans le récit, du milieu du siècle jusqu'à la fin du XXème.
Un roman vraiment très riche et intéressant, un roman choral très ambitieux qui apparemment n'a pas été une mince affaire à traduire, sur confessions de la traductrice Souad Labbize. Deux familles aisées dans une Tunisie pleine de contradictions, pleins d'écarts sociaux, pleine d'idéaux, prête à évoluer ou rester comme elle était, portée par des personnages forts, qui en disent long sur leur époque. Zbeida une des protagonistes principale n'a pas la parole une seule fois dans le roman, sa vie étant racontée par le biais d'autres personnages, comme incapable de raconter sa propre existence finalement.
Chaque chapitre constitue un témoignage adressé à un destinataire silencieux.
RépondreSupprimerExactement 🙏
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