J'avais tellement hâte du nouveau roman de Carole Martinez à l'occasion de la rentrée littéraire, ayant lu et adoré "Du domaine des murmures" et aussi "Le coeur cousu". Une autrice très douée qui ne sort pas des romans tous les matins, ils sont d'autant plus attendus et appréciables à lire quand ils sortent. Reçu seulement quelques jours avant la sortie des titres Gallimard, c'est celui-ci que j'ai mis en priorité parmi les réceptions Gallimard ( après avoir lu le Maylis de Kérangal. Je lirai le Daoud plus tard). L'autrice est partie d'une histoire qui peut arriver à tous, celle d'Eva, ne souhaitant pas d'enfant, mais qui, par pression de son mari Pierre, accepte finalement. Elle est neurologue, spécialiste du sommeil, et les premières scènes du livre sont celles de son accouchement, qu'elle compare à un envol d'oiseaux. Elle ne veut pas de cet enfant, l'épreuve est difficile, mais finalement une fois que Lucie naît elle l'adore.
Son mari Pierre n'accepte pas que leur enfant monopolise l'attention de sa femme, et devient violent. Envers sa fille surtout, qu'il frappe, la petite essayant de trouver des excuses à son papa et en cachant ses blessures mais Eva n'est pas dupe. Un jour alors que Lucie a 8 ans, Eva prend ses cliques et ses claques et quitte le domicile conjugal. Elle loue une petite cabane en pleine forêt isolée de toute civilisation en Camargue, loin de Paris et donc de Pierre. Là-bas, Lucie s'habitue vite à son nouvel environnement entourée de nature, d'espace, et devient une vraie enfant de la nature. Eva est ravie de voir que sa fille, celle qui est devenue son monde entier est heureuse et épanouie. La mère et fille vivent en autarcie des semaines durant, faisant les courses pour se ravitailler afin d'être tranquilles un petit moment, Lucie vagabonde dehors en pleine nature, fait des herbiers, tandis que sa mère, ayant averti son travail de la situation de violence qu'elle vivait avec Pierre prend désormais soin d'elle. Elle note ses rêves dans un carnet, écrit...
Un seul homme est proche physiquement de Eva et Lucie, c'est Serge un géant roux et barbu impressionnant, qui vit lui aussi dans une cabane non loin d'elles. Une nuit, il les observe, témoin de leur amour et complicité tandis que lui vit seul avec son chien depuis des années. La petite va le prendre en affection alors qu'il sauve une oie, qui va devenir la protégée de la petite fille. Rapidement dans le récit, une nuit aux alentours de deux heures du matin, Lucie hurle en pleine nuit pendant quasiment deux minutes. Eva, ne pouvant rien faire, ne réussissant pas à réveiller sa fille, assiste à cela sans pouvoir rien faire. Serge lui apprend alors qu'elle n'est pas la seule, et que cette nuit-là, tous les enfants de la Terre ont hurlé de la même façon, le Cri, ce premier phénomène d'une longue série, a débuté sur une latitude, qui s'est déplacée afin de faire le tour du globe. Cela a commencé avec Lucie et les enfants habitant sur la même latitude, avant de durer vingt-quatre heures durant. Les autres nuits passent, et rapidement d'autres phénomènes surviennent, uniquement chez les enfants. Les spécialistes s'emparent de ce sujet, Serge écoutant diligemment la radio, son seul moyen de connexion au monde.
Une autre nuit, tous les enfants se dirigent vers un point d'eau durant leurs rêves, comme si tous faisaient le même rêve et en étaient prisonniers, incapables d'agir à leur guise mais seulement de suivre le mouvement commun. Lucie se fait alors sauver par Serge cette nuit-là, permettant à Eva d'enfin faire confiance à cet homme. Une autre nuit, une invasion de moustiques se dirigent vers les enfants. Des rêves qui prennent le pas sur la réalité, ne prenant plus seulement les enfants du monde en otage mais tout le monde. Les parents ont alors pour instruction de protéger leurs enfants, de faire attention chaque nuit à ce qu'un phénomène similaire ne se reproduise pas. On suit aussi le point de vue de Pierre, vivant dans la misère depuis que sa femme et sa fille l'ont quitté, buvant, et vivant dans le désordre. Il assiste lui aussi à ces drôles de phénomènes, voulant savoir à tout prix où sont passées Eva et Lucie.
Le récit est particulièrement prenant, entre les journées en pleine nature loin de la violence de Eva et Lucie, qui, rapidement sont embêtées avec ces phénomènes qui les poursuivent ne pouvant donc pas être tranquilles, Eva ayant cru qu'en partant et qu'en s'éloignant de toute civilisation elles vivraient en paix. Lucie cette enfant vive qui a toujours fait des rêves très riches et beaux qu'elles réussissait à contrôler grâce aux conseils de sa mère pour faire des rêves lucides, la première nuit est bien incapable de raconter son rêve... Elle s'endort chaque nuit sans peur de ce qui pourrait survenir, contrairement à Eva et Serge qui au fur et à mesure des semaines, sur suppositions d'eux-mêmes et des experts s'attendent au pire... Ils réveillent donc chaque nuit l'enfant afin de briser le phénomène. Les religions l'avaient prédit, comme l'invasion de criquets qui pilleraient les récoltes, la grêle qui détruirait tout, et surtout la nuit en plein jour trois jours durant. Il y a quelques scènes dans un avion, que prennent un couple de chamans bien au fait de cette histoire de phénomènes, devant trouver un moyen d'atterrir suite à cette fameuse tempête que vivent au sol nos héros. Ces scènes sont particulièrement prenantes.
Ces phénomènes inexplicables et surnaturels rendent le récit unique, se mêlant parfaitement au réalisme du texte de base, ces touches holistiques ajoutant une dimension hyper riche au récit. Ils permettent à Eva d'ouvrir son cœur, à la mère et la fille de se rapprocher, et aidés aussi de Fatiha et Laurent, un couple d'amis qui ont grandement aidé Serge par le passé, de rendre aussi service à Serge. Une histoire de famille, de rêves, d'amour, de confiance, tant d'éléments importants. J'ai littéralement adoré ce roman, lu en tris ou quatre soirs, que j'ai dégusté tout en souhaitant en savoir plus, donc tournant rapidement les pages. Il s'agit très certainement d'un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire.
"Dors ton sommeil de brute" de Carole Martinez, 22€
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