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Le syndrome de l'Orangerie

 Le roman de la rentrée littéraire le plus loufoque que j'ai lu jusqu'à maintenant et de loin. En le recevant je me suis tout de suit dit que j'avais envie de le lire, de par son joli bandeau représentant les nymphéas de Monet, mais aussi de par le titre, où il était clair que le sujet serait celui-ci. Pourtant en commençant à le lire après la Almodovar dans le but de présenter une vidéo Rentrée littéraire Flammarion, je me suis vite rendu compte que ce serait un roman vraiment différent. Il ne s'agit pas d'une simple histoire où tout part des grands tableaux des nymphéas de Monet à l'Orangerie c'est bien plus original que ça. Je n'ai jamais lu de roman de Grégoire Bouillier, mais apparemment il est habitué à écrire des choses où tout part dans tous les sens. Je m'explique. L'auteur reprend son personnage nommé Bmore, un détective travaillant avec Penny, sa chef, une femme plus terre à terre que lui. Je ne sais pas s'il y a de l'autobiographique dans le personnage principal mais c'est possible. 

Tout part donc d'une visite au musée de l'Orangerie connu pour sa fameuse salle où les grands panneaux de nymphéas de Monet sont exposés. Cette découverte va complètement remuer notre protagoniste qui au lieu d'être soit émerveillé comme beaucoup de monde soit légèrement blasé comme j'ai pu l'être, se met à se poser pleins de questions sur cette œuvre. Pourquoi des nymphéas? Qu'est ce que Monet a réellement voulu peindre? Il y a donc beaucoup d'éléments évoqués dans le récit entre Monet, sa vie, ainsi que un peu trop à mon goût de déviations un peu de partout commençant à parler de Monet pour se retrouver à évoquer le capitaine Haddock dans Tintin... Il faut donc bien suivre, et ne pas être trop enclin à vouloir quelque chose de "normal" car ce ne sera pas le cas du tout. 

Sa découverte des grands panneaux, l'emmènent donc dans une réflexion intense de ces œuvres. Pour lui, les nymphéas, mot cousin du mot "nénuphar", venant du mot nymphe, qui représente le sexe et la féminité dans la mythologie, représentent la mort et non la vie. Contrairement à son cousin le nénuphar, le nymphéa peut être de différentes couleurs, orange, violet, et a 6 ou 8 feuilles. Mais pourquoi a t-il peint de manière obsessionnelle durant 30 ans plus de 400 tableaux recensés de nymphéas? Il se plonge dans la vie de Monet, un homme vite renié par sa famille ayant eu un enfant avec Camille, celle qui deviendra sa première femme, avant le mariage. Sans le sou, le couple s'est rapidement retrouvé avec des dettes, Claude Monet ayant la fibre artistique et l'inspiration mais malheureusement pas le public pour ses œuvres. Il mit des années et des années avant d'être reconnu, années difficiles durant lesquelles la petite famille vécu bon gré mal gré. Jusqu'au jour où un mécène le prit sous son aile et lui acheta des toiles. A l'époque il ne peignait pas des nymphéas. Il peignait des tableaux classiques dont le tableau représentant sa femme Camille "La japonaise", une espèce de caricature où Camille blonde représentait le Japon dans tous ses clichés, un tableau dérangeant, peint juste après avoir su que Camille avait un cancer de l'utérus. Ce serait donc certainement un tableau pour transformer le négatif en positif, écarter la réalité épouvantable afin de rendre la vérité méconnaissable.  

Ayant découvert les nymphéas lors d'une visite à Londres avec sa femme et son fils, Monet commença, après la mort de Camille âgée de 30 ans et quelques, à peindre de manière compulsive ces plantes, présentes dans son bassin dans sa maison de Giverny. Bmore se rend jusque dans la fameuse maison de Monet pour continuer son investigation sur les nymphéas qui le turlupinent c'est le cas de le dire. Pour lui donc, les nymphéas représentent le malheur et la mort, Monet ayant commencé à les peindre après la mort de sa femme et celle de son fils d'une maladie, avant de voir son second fils s'éteindre durant la première guerre mondiale. Une sorte d'hommage à ces morts, proches de lui, comme plus éloignés, ceux morts au front pour qui il crée un lieu de paix. Il faut savoir que Monet était atteint de cataracte et des années durant il peint ses nymphéas sans voir nettement ni les couleurs, ni les formes. Une chirurgie fut tentée sur lui, le pire pour notre artiste aurait été de devenir aveugle et de ne plus voir la magnifique nature l'entourant. Bmore va jusqu'à étudier la forme de la double salle accueillant les grands panneaux au musée de l'Orangerie, une double salle ovoïde, qui représenterait des lunettes, clairement rapport avec l'état des yeux du chef de file des impressionnistes. 

Monet mit huit ans avant de donner ses tableaux à l'Etat, chose qu'il avait promise de faire, ayant apparemment brûlé certains de ses tableaux représentant les nymphéas. Nymphéa plante aussi apparemment réputée pour enlever le désir. Comme s'il se résignait à enterrer tout désir, tout bonheur après tant de morts l'ayant frappé de plein fouet. Une phrase forte et assez drôle de la part de l'auteur est celle-ci "il y a bel et bien quelque chose de pourri au royaume des nymphéas". Avant d'avoir longuement étudié la demeure de Monet, dans laquelle son atelier n'est pas disponible à la visite, un sénateur dont il a oublié le nom vit actuellement, Bmore notre personnage haut en couleurs s'était rendu quelques jours auparavant en Pologne. Invité pour son travail, il décida d'un coup, de visiter les camps de la mort de Auschwitz Birkenau, qui selon lui ont un lien direct avec Monet. Il n'ose dire où il se rend, incapable de dire la vérité, la phrase " je vais visiter les camps d'Auschwitz Birkenau" étant clairement normale, ce lieu n'ayant rien de normal. Il compare l'accumulation de bâtiments au sein du camp de la mort aux tas de fleurs au sein du jardin de Giverny. Le premier accueillant la mort, et le second la représentant. Comme si Monet, avec toutes ses fleurs, fleurissait les tombes des morts durant la guerre. Pourtant celui-ci né en 1840 et mort en 1926 n'a pas connu les horreurs de la seconde guerre mondiale, mais celles de la première. 

Il est beaucoup question de la visite de notre enquêteur au sein des camps, dans lequel tant de questions, de réflexions le hantent. Comment les touristes font pour se prendre en photo dans ce lieu qui a accueilli l'enfer sur terre? Comment peuvent-ils aller aux toilettes, dans le même bâtiment où les prisonniers faisaient leurs besoins? Comment la guide fait-elle pour, jour après jour montrer ce lieu hors du commun? Il met en parallèle beaucoup d'éléments entre ses visites de Giverny et Auschwitz Birkenau. Le train partant de Cracovie jusqu'aux camps, le petit train amenant le touriste jusqu'à la maison de Monet, où à Giverny le visiteur n'a pas le droit d'être tranquille entre lui et lui-même, ou une musique puis la voix de guide ne le laisse pas découvrir seul. Où tout un tas de touristes s'amassent, dans deux endroits où seule la paix est de mise. 

Bmore revient sur le cancer de l'utérus ayant frappé la première femme de Monet, la salle de l'Orangerie finalement ne représenterait-elle pas la forme d'un utérus? Et qu'est ce qu'on est censé voir sur les grands panneaux? Bmore en vient à la déduction que tout a rapport avec Camille. La mort dans les tableaux, la maladie de Camille, une Ophélie, allongée morte, sur les huit nymphéas des tableaux. Plus de 400 pages de lecture pour parler de Monet, du syndrome de l'Orangerie qui a durement frappé notre protagoniste, cette découverte l'ayant remué à jamais.

Une lecture unique et loufoque dans laquelle l'auteur s'éparpille un peu à parler de beaucoup de choses, parfois trop, mais j'ai appris beaucoup d'éléments en rapport avec Monet, le roman est assez émouvant mais surtout original et même drôle. Si vous aimez l'art et que vous êtes à même de découvrir une lecture singulière, n'hésitez pas. 


"Le syndrome de l'Orangerie" de Grégoire Bouillier, 22€

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