Enfin l'article sur "Frapper l'épopée". Un de ceux dont je savais pertinemment qu'il fallait que je lise car au moment où j'écris nous recevons Alice Zeniter en rencontre auteur bientôt. Elle sera déjà venue au moment où l'article sera paru. Pour le moment je suis fan de cette rentrée littéraire chez Flammarion entre deux titres assez loufoques que sont "Le syndrome de l'orangerie" et "Le dernier rêve" et puis celui-ci de Alice Zeniter, "Frapper l'épopée" plus sérieux, plus engagé. Je n'ai toujours pas lu "L'art de perdre" qui a obtenu le Prix Goncourt des lycéens en 2017, mais bon ça donne les bases. Que l'autrice a déjà été reconnue pour ses écrits. Pour "Frapper l'épopée" drôle de titre n'est-ce pas que je ne suis pas sûre de bien comprendre pour être honnête, l'autrice nous parle de la Nouvelle-Calédonie ou bien du "caillou" comme elle le nomme, du point de vue de Tass, habitante du caillou.
Agée d'une trentaine d'années, Tass n'a cessé de naviguer entre la métropole, la France métropolitaine, (la Nouvelle-Calédonie appartenant à la France), et le caillou, à l'autre bout du monde. Ayant été en couple avec Thomas habitant Orléans, Tass a effectué plus d'une quinzaine d'allers retours en quelques années pour voir son compagnon. Etant prof, elle profitait de ses vacances d'été: décembre-janvier en Nouvelle-Calédonie, pour rendre visite à son compagnon tandis que lui venait la voir durant l'été français, lors de ses vacances à lui. Le genre de relation compliquée mais que tous deux ont fait durer quand même pas mal d'années. Il n'a jamais été question que Thomas vienne habiter en Nouvelle-Calédonie, même si ça ne disait rien non plus du côté de Tass d'habiter Orléans.
Tous deux se sont rencontrés en métropole, lorsque Tass est venue faire ses études de journalisme sur le continent, puis est restée après. Etant devenue prof, voyant bien que le métier de journalisme étant difficile à trouver, elle s'est fait une raison. Des années et une relation plus tard, le couple se sépare, Tass reprenant ses affaires direction chez elle la Calédonie. Elle range ses gros vêtements dont elle n'aura plus besoin sur l'île que l'on apprend à connaitre grâce à notre protagoniste. Elle reprend donc sa vie insulaire sur ce gros caillou. Le récit est un mix entre jolie écriture, éléments sérieux et parfois quelques phrases drôles qui rythment le récit. On en apprend donc plus sur la Nouvelle-Calédonie ancien bagne pour les occidentaux. Jusqu'à 25 000 bagnards de tous horizons ( Vietnam, Japon, Ile du Vanuatu, Algérie, France... ) ont été envoyés sur cette île, des hommes, seuls qui au fur et à mesure des années, suite à leur libération se sont "reproduits" avec les kanak, le peuple habitant l'île avant que les colons blancs ne débarquent. A l'époque le temps de trajet entre la métropole et la Nouvelle-Calédonie était de 150 jours contre plus d'une journée entière en avion au XXIème siècle.
Venant de tout le pacifique, le peuple kanak a plus ou moins été évangélisé par les colons blancs à leur arrivée en Nouvelle-Calédonie. Il est beaucoup question des origines dans ce roman, Tass étant issue de l'union entre une mère blanche et un père kanak, dont l'aïeul, Areski était algérien, envoyé au bagne. Tass voue une admiration sans failles à Louise Michel, symbole de liberté, femme anarchiste emprisonnée sur l'ile. Durant le récit, on suit les points de vue de Tass, notre protagoniste principale habitant Nouméa la capitale, mais aussi ceux de "Un Ruisseau" homme kanak vivant en harmonie avec la nature, un homme assez important pour sa tribu, sorte de sage référent. On a également deux femmes dont les surnoms sont: Nep et FiDr, qui accueilleront plus tard dans le récit Pénélope et Célestin, deux jumeaux kanak vivant avec leur oncle, élèves de Tass.
Deux jeunes assez ténébreux, qui hypnotisent Tass, dont elle se prend une affection particulière pour eux, les trouvant très beaux mais taiseux et renfermés. Lors d'un jour de vide-grenier, Tass se rapproche un peu de ces jeunes, en venant en aide à Pénélope dont un vieux kanak se frotte contre la jeune fille, se moquant des jumeaux car ne parlant pas la langue de la tribu. Tass est révoltée et défend la jeune fille. Tout au long du récit, elle pensera à ces jumeaux, qui vont disparaître, tentant de les retrouver. Comme je vous le disais, ce mix entre situations sérieuses et parfois inquiétantes, et phrases et moments drôles comme lorsque Monsieur Emmanuel, le proviseur du lycée où travaille Tass la demande en amie Facebook après qu'ils aient eu un peu un différend suite à une discussion avec un flic les interrogeant sur la disparition des jumeaux est bien pensé, et rend le récit pas trop lourd.
Les jours, semaines, mois passent à Nouméa, Tass retrouvant son appartement climatisé, son chat nommé Gras et voit régulièrement son amie de longue date Laurie, femme blanche à laquelle il est arrivé malheur alors qu'elle était plus jeune. On remarque un vrai clivage, une grande différence entre kanak et blancs, entre la difficulté de trouver sa place notamment pour Tass étant métisse, mais considérée comme blanche par les kanak. On a beaucoup d'explications sur comment l'île est faite, seulement quelques plages sympas, pas de réel centre-ville, peu d'activités à faire si on exclue la plage et les randos. Un mode de vie très lent. Vers la fin du récit, on assiste à un drôle de moment: celui où on sort du récit, où Alice Zeniter parle et nous dit que "Tass existe parce que cette histoire n'est pas la mienne, et qu'elle n'est pas pas la mienne. Elle est née de ce flou que je n'arrive pas à écrire". Sûrement donc un récit en partie autobiographique ce qui le rend d'autant plus intense et important. Egalement, vers la fin du roman, on sort du récit traditionnel pour assister à l'espèce de rêve que fait Tass, où on remonte le temps, au temps d'arrivée des bagnards sur l'île, se demandant si parmi les 2000 et quelques arabes arrivés sur l'île son aïeul, Areski faisait partie du lot. A ce moment, on suit aussi les trois kanaks: Un Ruisseau, Nep et FiDr, entrant dans le rêve de Tass, comme assistant à son passé et ses questionnements.
Un roman assez fort donc, parlant de pleins de sujets, riche et vaste, remontant aux origines de cette île, le début du roman étant bourré d'informations historiques hyper importantes pour la compréhension du récit, j'ai donc lu lentement et notant pas mal d'informations pour m'en souvenir par la suite. Une lecture d'autant plus intéressante actuellement avec ce qu'il s'est passé récemment sur l'île. Une lutte constante entre blancs et kanak, une question d'indépendance répétée, la vie en Nouvelle-Calédonie, bref une lecture très intéressante que je vous invite vivement à faire.
"Frapper l'épopée" de Alice Zeniter, 22€
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