LE roman qui se vend le plus depuis sa sortie au moment où j'écris le 26 septembre, même devant le Mélissa da Costa. On avait reçu le service de presse seulement quelques jours avant sa sortie mais je l'ai laissé à ma collègue comme elle avait beaucoup aimé "Petit pays". De mon côté, je savais bien que son premier roman se vendait très bien, mais ne me suis pas attardée plus que cela sur "Jacaranda" jusqu'à ce qu'il sorte. Comme j'avais très envie de faire une vidéo rentrée littéraire focus sur Grasset, je me suis dit que ce serait quand même chouette de le lire, d'autant que tout le monde en dit du bien, qu'il se vend hyper bien et qu'il est en lice pour tous les prix littéraires. Etant donné le sujet, je me disais qu'il serait vraiment triste, et je n'avais pas particulièrement envie de lire quelque chose de triste. Pourtant je n'ai pas trouvé que ce fusse le cas finalement.
Commencé un jour tranquille au boulot ce qui arrive de moins en moins, je l'ai entièrement lu là-bas, en plusieurs jours évidemment, et j'ai vraiment adoré. Je comprends l'engouement. On suit donc de manière autobiographique c'est certain l'histoire de Milan 13 ans au début du récit, issu de l'union entre un père français et une mère rwandaise. Sa mère Venancia a quitté le Rwanda plus de quinze ans auparavant et s'est construit une toute nouvelle vie en France. Elle n'a jamais parlé de son pays d'origine à son fils, jusqu'à ce qu'un jour de juillet 1994, le génocide rwandais se poursuive, commencé en avril suite à l'assassinat du président rwandais. Milan n'en sait que trop rien, ne connaît pas grand chose à ces histoires de Rwanda, de Hutu et Tutsi. Un jour alors qu'il vit tranquillement sa vie d'enfant parisien, un enfant de son âge débarque, s'appelant Claude dont la famille au Rwanda a été tuée. C'est tout ce que sait Milan, qui prend sous son aile ce garçon paraissant bien plus jeune que lui et dont le crane est plein de croûtes purulentes.. Avec sa copine Nadège, ils l'amènent à la fête foraine, le garçon passant les meilleurs moments, oubliant durant un bref instant la tragédie qui l'a frappé.
Claude habite des semaines durant dans la famille de Milan, sa mère lui disant que désormais le garçon vivra avec eux, que c'est un cousin de la famille et que comme il n'a plus de famille au Rwanda, il restera avec eux en France. Milan est plus que ravi d'avoir enfin le petit frère qu'il rêvait d'avoir, confiant sa passion du rock à son nouveau frère qui le regarde se déchaîner sur la musique, sceptique. La nuit le garçon pleure les siens et Milan ne sait comment l'aider. Ensuite Claude repart dans son pays sans que Milan le sache, il est donc désespéré. Jusqu'à ses seize ans il ne le reverra plus.
1998. Les parents de Milan divorcent et Venancia propose à son fils de l'accompagner lors d'un voyage au Rwanda. Milan n'est pas très pour l'idée, puis finalement poussé par Nadège il accepte, direction Kigali et la maison de sa grand-mère qu'il n'a jamais rencontrée. Un nouveau pays se profile sous ses yeux plein de sable et de poussière, de misère et de saleté, frappé par un génocide trois ans auparavant. Il rencontre sa grand-mère, et revoit Claude, devenu jeune homme. Venancia part plusieurs jours direction une autre ville, partie s'occuper d'affaires de famille dans la ville de Butare au sud du pays, ville de laquelle elle est originaire, tandis que Milan reste dans la capitale Kigali, dans cette maison au confort rudimentaire et aux sanitaires extérieurs à l'ancienne qui donnent envie de vomir à notre jeune homme.
Un mois durant, c'est la découverte d'un nouveau pays, à moitié le sien, d'une nouvelle culture, mais aussi les retrouvailles avec Claude et la rencontre d'avec sa grand-mère ne parlant pas bien français tandis que lui parle à peine kinyarawanda, mais tous deux se comprennent et passent du temps ensemble, Milan tombant des nues à l'idée d'avoir une grand-mère méconnue. Cette femme dirige d'une main de maître son chez elle, aidée par des domestiques, et a également des locataires qui lui payent des loyers, dans des petites maisons d'hôtes qu'elle fait construire sur ses terres. Milan apprend qu'elle a fui le Rwanda pour aller au Burundi durant le génocide pour revenir dans son pays d'origine ensuite. Elle a rejoint son mari au Burundi, s'étant engagée dans les troupes du FPR ( front patriotique rwandais) pour soigner les blessés.
Une semaine durant, Milan goûte aux joies de la jeunesse à savoir celles de la beuverie accompagné de Claude parlant très bien le français, et de Sartre un ami de ce dernier, vivant dans une maison abandonnée dont il a fait sienne suite à la fuite de milliers de rwandais durant le génocide. Adorant la culture française et notamment la littérature, avec des piles de livres un peu partout, l'homme se fait appeler de cette façon, représentant une figure de gardien du savoir, de la culture mais aussi de jeunes désormais sans repères. Il accueille même là-bas Milan dans des conditions guère meilleures que chez sa grand-mère mais entouré de nouvelles informations quant à son histoire. Tous trois font des fêtes au sein de la ville, moments de joie et de beuverie grâce auxquelles ils oublient le passé si sombre de leur pays.
Une fois que sa mère est rentrée à Kigali, Milan fait aussi la connaissance de Stella, encore enfant et Eusébie, une amie de sa mère. Toutes deux vivent avec Rosalie qui a plus de 100 ans, l'arrière grand-mère de Stella. Elle est encore vaillante et a toute sa tête, les trois femmes pleines de blessures intérieures ayant décidé de vivre ensemble. Vivant dans une maison harmonieuse avec un jacaranda, un énorme arbre qui trône dans le jardin, magistral, Stella passe son temps à l'admirer et à monter jusqu'en haut de l'arbre. Rosalie est le point central de cette petite famille, la mémoire même de ce que les Hutu ont fait endurer aux Tutsi. Milan rentre ensuite chez lui avant de retourner au Rwanda plusieurs fois durant le roman, à chaque fois à plusieurs années d'intervalle.
Il retourne voir Claude pour le soutenir durant un procès important pour lui, celui de punir les responsables de la mort de ses parents durant le génocide. Il part désormais seul sans sa mère qui ne comprend pas pourquoi son fils s'intéresse autant au Rwanda. Elle-même n'y étant retournée qu'une seule fois. Milan retrouve ses amis, ses repères, dans un Rwanda qui évolue, bien différent de celui qu'il avait découvert en 1998 seulement quelques années après le génocide.
Il y retourne ensuite plusieurs autres fois avant de décider d'y rester. Stella est devenue une adolescente s'intéressant énormément à l'histoire de sa famille que sa mère Eusébie et son arrière grand-mère lui racontent avec émotion. Elle étudie dans un établissement prestigieux, fréquenté par les enfants de parents riches et influents. Eusébie travaille désormais au gouvernement, à la reconstruction du pays, bien occupée par toutes les taches qui l'incombent.
On apprend alors que pour échapper aux massacres, les Tutsi se réfugiaient dans des églises, dont les Hutu n'osaient pas s'attaquer. Pourtant, plusieurs tueries se sont organisées là-bas. On apprend la façon de dissocier les peuples: Hutu cultivateurs de terre et n'ayant pas de vache, et Tutsi caste ayant des vaches. Des critères afin de dissocier les castes entre Hutu, Tutsi, Batsobe, Bega... Tout un tas de castes, choisies par l'envahisseur belge à l'époque de la colonisation afin de séparer le peuple natif.
Un roman très riche et émouvant bien que dans lequel je n'ai jamais pleuré même si j'ai eu une seule fois à la fin la larme à l'œil. Une histoire très importante quant au récit du génocide Hutu Tutsi responsable de la mort d'au moins 800 000 personnes et du déplacement de beaucoup d'autres. Le fait qu'il soit très certainement autobiographique apporte d'autant plus de puissance au récit rempli d'informations. La quête de ses origines, la recherche de son identité et de la vérité, de trouver ce qui nous anime, les liens familiaux, tant de sujets forts évoqués pour une œuvre vraiment géniale.
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