Qu'est ce que j'avais hâte de le lire celui-là! Acheté depuis des semaines, que je me réservais pour mon voyage en Corée, j'avais si hâte de découvrir ce chef-d'œuvre dont tout le monde parlait. L'autrice américaine née en Chine en 1996 est notamment connue pour son autre masterpiece: Babel, qu'il faut également que je lise absolument. Publié en 2023, "Yellowface", a été acclamé par la critique, et même par Stephen King lui-même, dont on peut voir sa citation sur la couverture du livre!
Yellowface comme son nom l'indique parle de l'Asie mais pas que. On suit deux jeunes femmes, June Hayward et Athena Liu, qui ont étudié ensemble à Yale et vivent à Washington. La seconde était assez populaire à la fac, dont les écrits ont été publiés dans des magazines, tandis que notre protagoniste June galère un peu. Alors que les deux jeunes femmes boivent ensemble dans le magnifique appartement de Athena, celle-ci s'étouffe avec un pancake et meurt étouffée. June assiste impuissante à la mort de celle qu'elle considère comme une amie/collègue/tout dépend. Celles-ci se sont réunies afin de célébrer l'adaptation du second roman de Athena en une série Netflix. June sous le choc, en profite néanmoins pour se rendre dans le bureau d'écriture de Athena, dont un manuscrit inconnu trône dans sa machine à écrire, car oui Athena utilise une ancienne machine à écrire, ayant besoin de voir les mots imprimés sur le papier.
Le roman, "Le dernier front" est donc retravaillé par Jane, des semaines durant, l'envoyant à son agent. Son unique écrit concernant la relation avec son père n'ayant guère marché, elle espère cette fois-ci, que ce roman important et ambitieux aura l'accueil escompté. Pour ce faire, elle emprunte son second prénom, Juniper et adopte un nom de famille à consonance asiatique: Song. De cette façon, son lectorat la verra plus légitime à parler d'un sujet assez méconnu, celui du sort des travailleurs chinois durant la Première guerre mondiale. Son agent est très emballé, Jane insistant sur le fait qu'elle a beaucoup travaillé sur ce roman, ment tout du long pour faire croire à tous qu'il s'agit de son bébé. En attendant la sortie du livre, qui ne se fait pas immédiatement bien sûr, Jane est très sollicitée, entre ses ateliers d'écriture, des interviews, rejoignant des discussions réservées à des écrivains comme elle. Elle n'en démord pas jusqu'à la sortie et après sur ce roman qu'elle a volé et remanié. Elle doit aussi jouer la comédie de la tristesse face à la mort d'Athena, insistant sur le fait qu'elle était son amie, qu'elle lui manque, et que son roman a été inspiré par elle. June n'est pas méchante pourtant, elle est réellement affectée par la mort d'Athena.
Il se classe rapidement dans le top des ventes, assiste à des rencontres avec des lecteurs, interviews et autres joyeusetés où elle ment constamment. Cependant, elle reçoit des messages de menace lui disant que c'est une menteuse, et que ce roman qui fait grand bruit n'est pas le sien. June commence à avoir peur, tandis que des mois durant, elle continue de jouer la comédie. Les mois passent, son agent et ses fans s'attendant à ce qu'elle publie autre chose. Un livre assez court suivra, très éloigné de ce roman important qu'est "Le dernier front". Des rumeurs commencent à courir sur l'éventuel vol du manuscrit par June, des comptes twitter et autres réseaux commençant à la lyncher. Son agent ainsi que ses proches collègues, lui conseillent de ne pas s'attarder trop dessus, Jane vivant quelques jours atroces durant lesquels elle reste prostrée devant son ordinateur à lire tous les commentaires de ses haters, ne dormant, mangeant plus et faisant des crises d'angoisse. Son agent et le staff de sa maison d'édition réussissent à faire étouffer l'affaire, mais certaines rumeurs persistent. Alors qu'elle est à une rencontre auteurs, Jane croit voir dans l'assistance Athena, sachant pourtant pertinemment qu'elle est décédée.
Bref, une douce évolution vers l'enfer pour cette jeune femme simplement en recherche d'affection et de reconnaissance, entre une ancienne collègue qui prenait toute la place, une mère qui ne cesse de lui demander quand est ce qu'elle compte trouver un vrai travail. On peut ressentir de l'empathie pour la situation de Jane, bien qu'elle ait cherché les ennuis, je l'ai plainte tout de même à certains moments du récit. Un récit addictif qui se déroule sur plusieurs années, de cette industrie difficile qu'est celle de l'édition, entre l'hypocrisie des uns, l'intérêt des autres, la quête de plus en plus de succès et d'argent.
Les sujets de l'appropriation culturelle, la légitimité, le racisme sont évoqués très forts dans ce roman. En effet, June blanche de peau qui semble avoir uniquement des ancêtres blancs est-elle légitime de parler du sort des chinois durant une des plus grosses tragédies de l'histoire? Et pourquoi seules des personnes asiatiques seraient-elles plus en droit de le faire qu'elle? Un roman que j'ai trouvé hyper prenant, ayant même regretté qu'il ne soit pas plus épais, j'aurais volontiers lu 100/200 pages de plus.
"Yellowface" de Rebecca F.Kuang, 18.90€
Commentaires
Enregistrer un commentaire