Han Kang ayant remporté le Nobel de l'année 2024, j'avais très envie de continuer de découvrir des romans de la première autrice coréenne récompensée au prix Nobel de littérature. J'avais seulement lu son dernier traduit en français, "Impossibles adieux" un roman assez sombre et singulier qui parle d'un massacre sur l'île de Jeju. Cette fois-ci quand j'ai vu "Celui qui revient", récemment sorti en poche, je l'ai emprunté sans même regarder le sujet. On reste dans la même veine de dénonciation, de devoir de mémoire, de l'histoire coréenne, avec un autre roman très engagé. Lu quasiment entièrement à la librairie sur plus d'une semaine, il était idéal à lire, étant assez fin, bien que guère réjouissant, surtout à lire en plein hiver quand il fait froid et qu'on ne voit jamais le soleil.
Ce roman raconte le printemps 1980, quand le peuple coréen a subi un vent de terreur, un dictateur du nom de Chun Too Hwan ayant pris le pouvoir. Le peuple se rebelle mais se fait sévèrement opprimer par les militaires chargés de faire régner l'ordre à tout prix. Séoul débute cette rébellion, suivie par la ville de Gwangju, située dans le sud ouest coréen, ville toujours marquée plus de quarante ans après, par cette rébellion et ce massacre subi par apparemment deux cents jeunes tués, et plusieurs milliers blessés. En effet, les étudiants et les lycéens notamment, se rebellent contre ce pouvoir autoritaire et se font tuer. Officiellement le massacre dure du 18 au 27 mai 1980. Mais de nombreuses personnes seront retenues prisonnières, vivant la torture, des années durant. A l'époque le peuple se soulève contre un régime tout sauf démocratique, semblable à celui du nord. Le sud instaurant la loi martiale, situation qui a failli arriver récemment lorsque le président actuel (est-ce encore le cas ?) a voulu instaurer à son tour la loi martiale, qui dura seulement six heures avant que les coréens se rebellent.
Ce roman de quelque 250 pages raconte l'histoire de plusieurs personnes, jeunes notamment, Tongho, un jeune ayant vécu l'enfer, errant parmi les cadavres afin de retrouver son ami. Kim, une jeune éditrice vit dans la Corée de cette époque dont la censure est largement répandue. Des voix s'entremêlent pour dépeindre l'horreur vécue durant cette époque phare dans l'histoire coréenne, marquant un tournant au sein de celle-ci. Le récit est lourd, sombre, Han Kang ne se gêne pas pour parler de la vérité, montrant l'histoire sombre de son pays. Il est beaucoup question de mort, d'odeur pestilentielle, des techniques de torture que les militaires firent subir aux jeunes rebelles, aux atrocités de ces quelque dix jours qui plongèrent le pays dans le chaos. Il est important que les écrivains prennent la plume pour raconter leur histoire, je suis d'autant plus heureuse que Han Kang ait obtenu le si prestigieux prix Nobel de littérature, dépeignant avec réalisme et franchise l'histoire de la Corée.
Difficile d'en dire beaucoup plus sur ce roman où les scènes de description des corps, de recherche d'un proche en particulier, de la violence de la répression sont nombreuses et compliquées à lire et à digérer. Tongho s'étant fait emprisonner et torturer, avec des jeunes de son âge dont certains meurent, ou d'autres se suicident après avoir été relâchés, une jeune femme éditrice subit le régime dictatorial de l'époque, composant avec la censure imposée, s'étant fait gifler par un militaire. Une vieille femme, brisée par la mort de son enfant hurle sa peine. Le style est clair, honnête, parfois poétique mais sombre. Car la réalité de l'histoire l'est aussi. Plusieurs phrases m'ont marquée comme " ces gens ne devaient plus avoir faim, puisqu'ils n'étaient plus vivants" ou "je suis retournée dans cette ville pour mourir". Comment se reconstruire après un tel évènement? Que faire? Que dire? La ville de Gwangju fût plongée dans le silence, beaucoup n'osèrent parler de ce qui arriva. Han Kang leur laisse donc la parole dans ce roman.
En bref, un roman important sur une période clé de l'histoire coréenne que je vous invite à lire si le sujet vous intéresse, l'autrice faisant fi de la bienséance et raconte crûment, honnêtement les faits. Une lecture difficile donc mais importante.
"Celui qui revient" de Han Kang, 8.90€
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