Le troisième roman de la rentrée littéraire d'hiver que je lis, avec "Le ciel de Tokyo", roman de Emilie Desvaux, dont j'ai reçu deux exemplaires, éblouie par la beauté de la couverture, je me devais de le lire. Emprunté un midi en pause dej, fini quelques jours plus tard un dimanche j'ai bien aimé cette ambiance d'un Tokyo au début des années 2000, au sein d'une "gaijin house", une auberge pour étrangers située dans le quartier phare de Asakusa, un quartier historique très connu pour son temple Senso-ji, un incontournable si vous visitez la capitale nippone.
On suit Camille, jeune fille début de la vingtaine, française, mariée à un garçon gentil mais avec lequel elle s'ennuie, décidant du jour au lendemain qu'elle en a marre, et qu'elle veut voir autre chose. Elle part direction le Japon, sans but, mis à part qu'elle veut se procurer un téléphone, souhaite créer un compte en banque et doit trouver du travail. Elle arrive au sein de l'auberge sale, dans laquelle des insectes, rats, humidité vivent tranquillement. Elle y fait la connaissance de Flavio, habitant les lieux depuis sept ans, brésilien. Lénine surnom pour Christophe, belge et travaillant comme escort. K'ang, chinois sympathique, Marvin allemand qui va la perturber, tous vont vivre en plus ou moins bonne harmonie dans ces lieux singuliers.
Chacun vit sa vie dans sa petite chambre trop chaude l'été et trop froide l'hiver, sujette à l'humidité et à la présence de bêtes non désirées. Ils se retrouvent dans la cuisine où ils partagent des morceaux de leurs vies respectives. Camille fume dans chaque pièce de l'auberge adossée contre l'évier ou accroupie sur une chaise en plastique sur le toit. On suit les vies des autres habitants, Flavio ayant perdu un poids considérable depuis son arrivée au Japon, diplômé d'une université de Fukuoka où il a étudié les auteurs japonais, passionné de culture nippone et parlant très bien la langue. Cependant il n'arrive pas à trouver du travail dans sa branche et se retrouve secrétaire d'une entreprise qui commercialise des sandales. Il est un peu le maître des lieux. La figure d'autorité et de référence. Lénine quant à lui a grandi avec l'idée qu'il était pas bien joli garçon et sans affection particulière, mais finalement s'étant rendu compte qu'il était drôle et que les autres l'appréciaient, ayant rapidement reçu le surnom du dictateur soviétique, Lénine. Il n'a guère envie de trouver un travail lambda et préfère s'attirer les faveurs de femmes japonaises et de se faire entretenir. Il développe rapidement un crush pour Camille, qui n'est guère loquace et peu entreprenante, ne lui rendant pas vraiment.
Les jours, les semaines, les mois s'enchaînent au sein de la Gaijin house, nos protagonistes restent beaucoup dans ce logement peu reluisant, en sortent que rarement, chose que j'ai eu beaucoup de mal à comprendre. Ils se complaisent un peu tous dans leurs existences qui ne leur vont pas, et ne font pas grand chose pour en changer. Camille est arrivée depuis trois mois, quand elle ose enfin s'aventurer hors du quartier de Asakusa pour prendre connaissance de cette mégapole tentaculaire. Un Tokyo dont elle se forge sa propre idée tandis qu'en discutant avec ses voisins, elle se rend compte que chacun à son Tokyo. Un Tokyo moderne, un autre traditionnel, un entre les deux, un autre encore lui laissant libre champ pour rencontrer une japonaise riche et vivre à ses crochets. Chacun a sa propre conception de la ville selon ses découvertes et de sa vie. "le temps n'est pas le même d'un bout à l'autre de la ville-stagnant à Asakusa, croupi autour d'Ikebukuro, vif et venteux le long de la baie de Tokyo où passent et repassent sans fin bateaux, mouettes et hélicoptères, le temps végétal à Yoyogi, hystérique à Shinjuku et numérique à Akihabara."
Une vie lente qui s'écoule tranquillement, l'été qui les maintient léthargique à cause de la moiteur, l'hiver où cette bande d'étrangers tente de se réchauffer autour d'un feu avec des pulls empilés les uns sur les autres. Camille trouve un travail dans un bar, avant d'en changer pour donner des cours d'anglais elle qui n'a jamais fait d'études et doit se prouver qu'elle est capable. Lénine se rapproche de Camille toujours aussi molle et peu maîtresse de sa propre vie. Flavio quant à lui se remet de sa déception avec Sai, un locataire chinois reparti dans son pays. Les locataires se croisent, s'enchaînent, vont, viennent, repartent. La difficulté de trouver sa place, savoir quoi faire de sa vie, savoir où aller, la rencontre de ces étrangers, extérieurs à la vie nippone mais pourtant bien présents, ce roman parle de ça.
Une bonne lecture que j'ai appréciée découvrir, me replongeant dans l'univers nippon via le prisme de plusieurs personnages et en début de siècle, loin et différent de celui que j'ai pu découvrir.
"Le ciel de Tokyo" de Emilie Desvaux, 20€
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