Ce roman m'avait fait de l'œil lors de la rentrée littéraire d'automne, j'ai donc décidé de le lire avant de le retourner au fournisseur, et j'ai vraiment bien fait. Vous savez que je m'intéresse de plus en plus aux pays orientaux et moyen-orientaux, je vous avais fait même une vidéo entière sur le sujet, et je continue de vouloir lire des titres qui se passent dans ces pays-là. Pour celui-ci, il s'agit de l'Afghanistan, pays à la situation très compliquée vous le savez. Ce roman-ci se passe sur un peu moins de deux mois, entre début juillet jusqu'à fin août 2021, au moment où les troupes américaines présentes depuis plus de vingt ans ont annoncé leur retrait. Un retrait qui se ferait en moins de deux mois prévu pour le 30 août. Passée cette date, c'était l'incertitude pour le peuple afghan notamment les femmes.
On suit donc une femme forte, Marwa, 50 ans, médecin habitant Kaboul avec son mari et leurs trois enfants: deux fils et une fille. Un ménage assez aisé, mais dans la crainte comme les autres, que la situation empire passé le 30 août. Marwa doit se voiler, la burqa intégrale qui la soustraira au regard des autres n'est pas encore obligatoire mais elle sait qu'avec l'arrivée des talibans et sans les américains sorte de gardiens du pays, elle y passera. Elle s'use au travail, à l'hôpital de Kaboul où elle voit passer de plus en plus de cas graves, devant plaider la cause de ses patients peu fortunés pour que leurs opérations soient prises en charge. La corps médical diminue, au fur et à mesure des jours se rapprochant de la sentence finale du 30 août. Beaucoup fuient ailleurs, qui leur sera forcément meilleur bien qu'effrayant forcément. Marwa tente de faire abstraction de l'actualité de son pays, voulant se concentrer sur son travail et tacher d'être la plus calme et raisonnée possible. Elle enchaîne donc les heures et les gardes, chapeautant une équipe d'infirmiers dont des hommes. Elle leur est hiérarchiquement supérieure mais s'ils sont des hommes, ils lui sont supérieurs.
Heureusement chez elle, Marwa a un mari aimant, qui ne la force à rien rêvant aussi de libertés. Tous deux entretiennent un rapport très fort, Marwa n'hésitant pas à prendre les devants dans l'intimité de leur chambre. Son mari est journaliste, il est donc un peu sur la sellette en cette situation politique incertaine. Belkheir et Ahmad les fils de Marwa la soutiennent, garçons virulents contre le régime, on comprend qu'ils vont vouloir prendre les armes pour repousser les talibans. Shor, sa fille de 15 ans, est une belle jeune femme, qu'elle veut protéger et ne l'obliger à rien. Elle sait que des filles plus jeunes qu'elle sont mariées de force et enfantent déjà, chose qu'elle veut à tout prix éviter pour sa fille. Shor est entichée d'un garçon du nom de Shafiquillah, ayant le choix d'aller aider son oncle dans son exploitation de pavots, responsable de l'opium, Marwa sachant bien que 84% de l'opium mondial étant réalisé par les talibans.
La jeune fille doit se voiler, la burqa bleue la guette tout comme sa mère. Le jour où elle deviendra une hirondelle bleue se rapproche. Un jour, les parents de Shafiquillah sont invités chez le couple pour l'Aïd et Marwa veut leur montrer qu'elle ne pliera pas sous le poids de la pression imposée aux femmes, revêtant qu'un léger voile, contrairement à la mère du jeune homme apparaissant avec la fameuse burqa bleue dont aucune partie du visage/corps n'apparaît. Marwa ne connaît même pas le visage de cette femme, se demandant s'il s'agit vraiment de la mère du jeune homme, invisible sous cette couche de tissus " la burka dérobe l'identité , englouti la femme dans son entièreté". Deux femmes, deux visions s'opposent donc l'une prête à sa battre et libre, et l'autre ayant déjà cédé.
Tout un tas de détails concernant la vie des femmes et leur soustraction de la société petit à petit apparaissent. Marwa achète clandestinement du vernis rouge importé d'Angleterre, qu'elle met qu'une soirée chez elle, voulant voir la réaction du copain de sa fille. Cela ne manque pas, elle capte directement qu'il la juge sévèrement. "Comme les talibans qui disent salam et ne font que la guerre, comme ceux qui vantent le mariage et lacèrent leurs épouses, comme les religieux qui disent qu'il ne faut pas se droguer et assoient une richesse scandaleuse grâce à l'exploitation du pavot, comme ceux qui prêchent la vertu et mettent à mort des femmes innocentes en les torturant, comme ceux toujours et encore qui tuent, tuent alors qu'Allah n'annonce que l'amour." Il y a de nombreuses phrases comme celles-ci très fortes afin de montrer l'absurdité et l'hypocrisie d'hommes agissant au nom d'une religion qu'ils déforment.
La maison de Marwa est une sorte de lieu de paix, où ses enfants évoluent et grandissent protégés des horreurs se déroulant à l'extérieur, où l'amour des siens est plus fort que tout, la culture et l'ouverture d'esprit rend plus fort, Marwa possédant une grande bibliothèque. Sa foi religieuse est très forte, et s'énerve de ces talibans utilisant la religion pour justifier leurs actions. Elle conduit toujours sa voiture pour se rendre au travail, vitres fumées, la protégeant des regards masculins haineux. Un jour, après avoir remis à sa place un pseudo infirmier sans formation ayant pris une grave décision dans la vie d'un nourrisson, elle le fait quitter l'hôpital. Celui-ci quelques jours plus tard se venge en venant la traquer, l'attendre chaque matin devant l'hôpital, Marwa ne pouvant rentrer chez elle, risquant de montrer son lieu de vie à ce fou aux yeux fauves. Elle décide alors de revêtir la fameuse burka, une fois sortie de chez elle, pas devant sa famille, et le garde frontière se sentant alors trahi, souhaitant lui aussi se battre pour la liberté.
Les jours passent, des femmes que l'on appelle des "suicidées" arrivent alors, des femmes qui ont tenté de mettre fin à leurs jours, pêché dans la religion musulmane. Marwa les soigne, l'une d'elle, Sahar rencontrera par la suite le fils aîné de Marwa, Belkheir alors que tous deux veulent défendre leur pays. Une autre a eu les oreilles sectionnées pour avoir tenté de cacher un livre. Elle leur dit de vivre ou de mourir, mais avec fierté, leur souhaitant de réussir. Elle met beaucoup d'ardeur à sauver des enfants, déjà accro à l'opium, qu'elle sait, qu'ils reprendront leurs vies d'avant une fois l'hôpital quitté. Des fillettes qu'elle soigne, leur sauvant la vie mais à la fois les condamnant, pouvant donc être mariées.
Son mari se rend chaque jour à la mairie, attendant des heures durant, dans l'espoir de se voir octroyer à lui et sa famille des visas pour partir. L'exode, l'idée que des milliers d'afghans ont eue en ces temps de crainte et d'incertitude profondes. "le peuple afghan s'enfuie par hémorragie. L'Afghanistan perd son peuple par centaines de gens chaque jour. Frontières ouvertes comme des artères béantes. Une folie". Il ne lâche rien, même si les autorités font tout pour retenir le peuple. Des avions s'envolent encore, les moins chanceux tentant de s'accrocher aux ailes de l'avion.
On en apprend plus sur cette période charnière de l'histoire afghane, la moindre chose pouvant être prohibée comme les oiseaux, représentant la liberté "folâtrant au gré des aurores et des vents de sable", impossibles à mettre tous en cage. La musique, l'art, la littérature, la culture de façon générale devenant interdite. Le couvre-feu sauf à Kaboul est en vigueur de 22h à 4h, pour empêcher que les habitants fassent la guerre. Kaboul est encore libre mais jusqu'à quand? "Mais à quoi sert la couleur dans ce Kaboul? Le sang colorera tout". Marwa étant bien consciente de la destinée des femmes, allant être de plus en plus effacées de la société. 20 millions de femmes, soit quasiment le moitié de la population. C'est pour sauver ces femmes que ses fils partent un jour d'août pour défendre leur patrie direction le palais Tajbeg où ils s'entraineront avec d'autres jeunes hommes et même des femmes. Ahmad le fils cadet pense: "Il publiera des livres d'art. On connaître son nom. Un nom afghan. Parce que l'Afghanistan c'est la beauté, la majesté des steppes et des montagnes, c'est l'ocre des villages souillés de lumière et de torrent, ce sont les femmes spectaculaires, belles de visage et d'âme somptueuse, sauvages et posées, profondes, ce sont les poètes, les mélomanes, et les mathématiques une architecture qui brise le regard d'admiration" Il a de grandes ambitions pour son pays qui au contraire de son père ne souhaite pas le fuir. Nous ne sommes alors que le 15 août et l'Afghanistan s'enflamme. Les talibans n'ont même pas tenu leur parole d'attendre jusqu'au 30 août.
De son côté, Marwa et son mari doivent faire un choix difficile dans le futur de leur fille vue comme impudique à répondre à des appels de son amoureux. Un choix qui causera sa perte ou au contraire sa grandeur.
Une lecture forte, poignante, comme à chaque fois quand il s'agit de pays comme l'Afghanistan ou l'Iran dont les droits des hommes et des femmes sont largement bafoués. Un livre pleins d'émotions, d'informations importantes à savoir quant à l'Afghanistan, plein d'espoir également même s'il reste très objectif quant à la situation.
"Le printemps reviendra" de Nour Malowé, 20.90€
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