Le second titre de la rentrée littéraire hivernale L'iconoclaste que j'ai lu juste après "Les bouchères". Je n'avais encore rien de Laura Poggioli, ayant dans mes affaires "Trois sœurs" donc son dernier allait être une véritable découverte. Un roman très parlant à sa couverture, puisqu'il nous plonge dans l'univers des réseaux sociaux, du téléphone, des écrans et de l'addiction qu'il en découle. Un livre court mais vif et intense.
Lara a 38 ans, lorsqu'elle fait un stage en unité d'addictologie d'un hôpital. Son but final étant d'ouvrir elle-même une unité centrée sur l'addiction. Elle découvre alors des jeunes ados, des enfants même, victimes d'addiction si jeunes que ce soit aux écrans, aux jeux vidéos, aux réseaux sociaux, à la drogue, s'isolant, leur créant une anxiété, dépression, phobie sociale, se scarifiant, ne sortant plus de leurs chambres. Ces écrans prenant une place folle dans notre vie actuelle, ce roman ayant réellement fait écho à mon propre rapport aux écrans surtout mon téléphone dont je me sers beaucoup trop. Ces entretiens avec ces jeunes amènent Lara à réfléchir à ses propres addictions et démons, lui rappelant qu'elle aussi est particulièrement accro à son téléphone.
On apprend que plusieurs années auparavant, elle a trompé son mari, le père de ses trois enfants, une fille et deux jumeaux, avec "le docteur" un homme bien plus âgé qu'elle, ayant profité de sa détresse post-partum pour avoir des relations avec elle, une aventure malsaine, ayant duré un moment et s'étant terminée par des mails de harcèlement entre des propos et des photos intimes issues de cette relation. L'homme pirate le téléphone de Lara en envoyant au mari tout un tas de choses intimes, entrainant une véritable addiction de Lara à son téléphone. Une addiction à cette violence, et à cet amour dévastateur qu'elle peine à oublier à cause de ce harcèlement dont elle est victime.
Elle regrette alors que tout se fasse sur les réseaux où rien n'est définitivement effacé, contrairement à avant où on s'envoyait des lettres, les souvenirs restaient sur papier, physiquement. Elle se demande alors qu'elle aurait été son adolescence avec ses réseaux, elle-même ayant eu une adolescence calme et pleine de créativité avec ses copines où elles s'écrivaient des lettres, se parlaient physiquement. Maintenant, les enfants sont moins concentrés, passent plusieurs heures par jour sur ces écrans qui les rend addicts, les isolant, leur créant des complexes de dysmorphie, des troubles anxieux et dépressifs tout comme violents pour ceux qui jouent beaucoup aux jeux vidéos. Il est prouvé que lorsque quelqu'un joue aux jeux vidéos, il développe des hormones semblables à celles du plaisir sexuel, le cerveau étant sans cesse sollicité par ces vagues de bonheur courtes mais intenses.
Des employés d'entreprises de la Silicon Valley eux-mêmes qui ont participé à la création, développement et vente de ces applications empêchent leurs propres enfants d'avoir accès aux écrans pour les en protéger réalisant bien les dangers qu'ils cachent. Lara elle-même n'autorise pas ses enfants à avoir des écrans dans leurs vies, contrairement à d'autres parents qu'elle rencontre lors d'entretiens avec des enfants et ados déjà accros, scrollant inlassablement sur leurs écrans greffés à leurs mains. Une solution de facilité pour ces adultes ne réussissant pas à canaliser leurs enfants, préférant les abrutir devant ces écrans, ne réalisant pas qu'ils sont responsables de cette addiction et isolement précoce. Certains patients de Lara et du docteur avec laquelle elle travaille sont accros à la drogue, l'une d'entre elles est même enceinte, une autre ne sort plus de chez elle, les yeux rivés sur un écran nuit et jour ne s'alimentant plus, une autre se voit proposer un traitement médicamenteux pour l'aider à sortir. Une autre est toujours amoureuse d'un ex toxique, duquel elle n'arrive pas à se détacher, ramenant invariablement Lara à sa propre vie.
Les semaines passent pour Lara étant confrontée à une violence sans nom et pleinement actuelle faisant écho à sa propre vie et réalisant plus que jamais le dangers des réseaux sociaux et des écrans, dangers pour certains déjà connus, mais trop souvent encore sous-estimés. Ces êtres en devenir qui pour certains sont déjà détruits, mais dont certains aussi heureusement, ont une fenêtre un peu plus optimiste sur leurs vies.
Une lecture forte, qui fait du bien pour réfléchir à soi-même et à son rapport aux écrans, un style vif et honnête, lecture que j'ai faite en deux jours que j'ai pris beaucoup d'intérêt à lire.
"Epoque" de Laura Poggioli, 20.90€
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