Un roman qui m'a fait de l'œil sur le bon de commande il y a des mois de cela, ayant été attirée par le résumé ainsi que par la belle couverture. Je l'ai emprunté à la librairie pour le lire sur place lors de moments creux et qu'est ce que j'ai bien fait! J'ai littéralement adoré ce roman qui se lit d'une traite, hyper intéressant, féministe, dans lequel on en apprend plus sur le Liban, son histoire et la vie des femmes.
Deux femmes, un même pays, le Liban et plusieurs décennies les séparant. D'un côté on a Mona, vivant dans un Beyrouth moderne. D'un autre côté on a Marie, vivant dans un petit village au nord du pays dans les années 1910. Mona découvre l'existence de Marie un jour en tombant sur une belle bâtisse à l'abandon dans laquelle elle va faire la découverte de cette femme. Elle rencontre un homme, Mazen, qui a bien connu Marie, une femme libre et ambitieuse de son époque, photographe tout comme Mona. A travers ses carnets écrits des décennies durant, et ces photos, Mona notre jeune femme moderne part à la découverte d'une autre femme libre et ambitieuse de son temps, un temps où le Liban était sous protectorat français.
Mona quant à elle vit sa vie, un peu en contretemps de ce qui lui est demandé. Elle n'est pas mariée, n'en a aucune envie et veut faire de la photo. C'est le seul moyen pour elle d'appréhender ce qu'elle ne comprend pas. Le Liban est désormais libre et indépendant mais sans réel espoir pour sa vie à elle. Elle a ce besoin de fixer sur papier ce qu'elle voit, tout comme Marie avant elle. Pour revenir à Marie, elle allait au couvent, ses parents voulant qu'elle ait une éducation religieuse un temps où musulmans et chrétiens se côtoyaient. Ses parents n'avaient pas envie qu'elle soit mariée trop jeune. Marie s'entiche de Ilham, une jeune fille avec laquelle elle s'entend bien, musulmane de confession. Elles resteront proches le temps de leur vie chez les sœurs avant de se séparer, Marie le cœur brisé. Déjà à l'époque elle a des ambitions pour son futur: faire ce qu'elle souhaite, photographier ce qu'elle voit, elle participera à l'évolution des mentalités du Liban car elle sera la première femme photographe qui compte.
Elle se coupe les cheveux, symbole fort à l'époque où toutes les femmes ont les cheveux longs. Une photo particulièrement marquante fascine Mona lorsqu'elle la découvre: celle où Marie et ses proches échangent leurs rôles, les femmes étant habillées en hommes et enlèvent leurs voiles, créant alors un beau remue-ménage. Marie a deux frères et une sœur, Rafik futur médecin absent pour étudier et Khalid son frère aîné vivant avec sa femme, celle-ci n'aimant guère l'attitude trop libre de sa belle-sœur. Elle habite Zghorta avec sa famille, amie avec Edouard un photographe établi au Liban depuis quelques temps. Celui-ci s'éprend d'elle mais pas elle. Marie restera une femme pionnière toute sa vie, dédiant sa vie à sa passion et à ce besoin de montrer son pays comme elle le voit via la lentille de son appareil photo, outil qu'Edouard lui apprendra à manier. En 1920, la France veut créer une grande exposition afin de justifier sa mainmise sur le Liban, Marie en profitera pour organiser une grande expo avec des photos de femmes dévoilées, qui fument, dont on voit les chevilles, un peu de leurs corps. Des clichés qui choqueront.
Pendant ce temps la vie de Mona s'écoule, elle aime un homme qui la laisse, est amie avec un certain Ziad propriétaire d'un bar, homme homosexuel se cachant car l'homosexualité est punie d'un an de prison au Liban. Il adore prendre tout en photo, ne se sentant bien que derrière un objectif, partageant avec son amie Mona cette passion. Les conditions de vie sont précaires, le Liban connait une incertitude politique, avec de l'argent en banque bloqué, des prix de gaz et d'électricité qui explosent, donnant la liberté à des petits plaisantins de profiter de ça pour proposer leurs propres ressources à des prix faramineux. Il y a des heures d'électricité dans la journée créant des problèmes au quotidien, dans sa journée d'apprentie photographe.
Un jour une explosion survient dans le Beyrouth moderne, provoquant encore plus une incertitude quant à la vie libanaise. Mona retrouve un ami anglophone, John qui lui proposera d'exposer. Avec Mazen le fameux homme lui ayant parlé de Marie, ils se rencontrent régulièrement, c'est grâce à lui que Mona aura accès aux photos prises par Marie ainsi qu'à ses carnets grâce auxquels Mona en apprend plus sur elle. Mazen ayant rencontré Marie alors qu'il faisait prendre l'air à ses enfants, celle-ci ayant proposé qu'ils s'abritent du froid chez elle, les prenant même en photos, étant restés proches. Marie sera une femme critiquée par les qu'en dira t-on, par sa propre famille qui ne la comprend pas, ne pouvant jamais vivre au grand jour son orientation sexuelle différente de la plupart des femmes, rencontrant à la fin de sa vie une certaine May Ziadé, une femme importante ayant correspondu avec le fameux Khalil Gibran (auteur de Un prophète notamment). Toutes deux étant des femmes qui dérangent, et qu'il vaut mieux faire taire.
Un roman fort, beau sur un même pays à des années d'écart avec des femmes de leurs époques qui tentent de s'affranchir des diktats. Une même passion, la photographie les rapprochant, bien qu'elles ne se soient jamais rencontrées physiquement. L'autrice a voulu s'inspirer de la véritable histoire de Marie El Khazen, première femme photographe libanaise. Un roman qui se lit tout seul.
"Pays amer" de Georgia Makhlouf, 22€
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